© Jean-Claude Pondevie
© Jean-Claude Pondevie
Expérimental, conceptuel, imaginaire. Ainsi, alimente la part de subjectivité du lecteur qui sommeille en lui. Face à une carte aux trésors impossible à déchiffrer, on essaye de se mettre à la place du photographe et de l'écrivain, tentant de résoudre l'énigme esthétique de ces paysages hors-champ et hors du temps que les artistes ont mis en page.
Cette esthétique épurée semble, d'ailleurs, être le socle de la construction des images. Toutes jouent entre la lumière, les contrastes voire la transparence et laissent, parfois, apparaître une ambiance paradoxale entre angoisse et zénitude. Comme des scènes de théâtre sans acteurs, dont on attendrait patiemment le prologue.
C'est en cela que l'intérêt pour le « hors-champ » du photographe pourrait s'expliquer. Pondevie donne en effet du sens à ce qu'on oublie de regarder. Il prête de l'importance à ce qui n'en a pas, ne laissant rien en suspension mais en action.
© Jean-Claude Pondevie
Mais comprendre la signification de l'image serait impossible sans le poème contemporain qui l'accompagne. Reinhardt donne de la ponctuation au livre. Au défilement des pages, certains mots se retrouvent sans images, laissant le temps au lecteur de souffler, de respirer. Cette ponctuation donne à chaque cliché son sens. Une combinaison qui fait de la photographie et de la poésie deux êtres interdépendants.
Même si l'oeuvre paraît très cérébrale, la polysémie qu'elle dégage permet une libre interprétation de ce couple image/mot au lecteur. Les deux artistes orientent le lecteur pour ne pas le laisser perplexe ou même frustré face à ce grand songe artistique.
© Jean-Claude Pondevie
Pour se faire, Jean-Claude Pondevie utilise un panel de contrastes sur ses images pour aider à leur compréhension. Le mot « guerre », présent dans le livre, révèle une ambiance froide. La photographie montre un ciel d'un noir profond, sans la moindre lumière, avec au milieu, un mur. Ce mur s'étend dans toute la largeur du champ, créant ainsi un intérieur au premier plan, dont le sol est recouvert de petites pierres éclairées par une forte lumière. Le mot « guerre » accompagne cette image et son mur qui créé un contraste entre un plan lumineux et l'autre ténébreux. Tandis qu'Eric Reinhardt, lui, mise sur la superposition parfaite du mot à l'image. Le mot « flèche », laisse place à une véritable flèche dans l'image.
Le dispositif des deux artistes permet aussi une autre lecture. Une lecture humoristique voire ironique par la simplicité de certaines photos légendées mots pour mots : « griffe » pour des déchirures sur une tapisserie. Alors que cet ouvrage semble si complexe, ce procédé nous permet, au contraire, de prendre du recul face à ces images tant travaillées. Car cette monographie, est l'objet d'un travail sur plus de dix ans. Mais elle laisse au lecteur la possibilité de s'abandonner, de rêver de ces grands espaces épurés, libres de tout sens mais pas de tout sentiment.
Juliette Sellin
Ainsi - Jean-Claude Pondevie et Eric Reinhardt
Octobre 2014
Editions : Xavier Barral
Prix : 40e