© Paul Géniaux, Douarnenez, port du Rosmeur vers 1905.
Charles et Paul sont nés à Rennes dans une grande famille aisée, dont le père médecin-major, d'après Laurence Prod'homme, « fait régner une vraie terreur sur la famille », famille qui saura se souder et jouera de cette complicité. Depuis la petite enfance, les deux frères nagent dans l'univers photographique : dès leur plus jeune âge, ils se sont fait régulièrement portraiturés. C'est en Algérie, à l'âge de quinze ans, que Charles Géniaux découvre la pratique, devenant très vite un fervent passionné de ce médium. D'après Claire Géniaux – son épouse, qui lui consacrera un ouvrage La vie d'un homme de lettres Charles Géniaux - : « Il éprouva une passion violente pour la photographie et la lecture des catalogues d'appareils et de fournitures photographiques excitait au plus haut son imagination. »
© Paul Géniaux, Marais salants de Billiers, tirage sur papier, vers 1905.
Au début des années 1890, les frères Géniaux créent ensemble un studio de « collographie » à Rennes. Ils se flattent d'être les inventeurs de ce «système d'impression aux encres grasses qui serait « le plus beau et le plus artistique » procédé de gravure. En parallèle, ils lancent une revue consacrée à la littérature et à la photographie en Bretagne, organisent des expositions et publient dans la presse.
Géniaux (!) dans leur complémentarité. Charles est exubérant, toujours satisfait de lui-même. Son cerveau est en constante ébullition et ses projets fourmillent, tandis que Paul est plus modeste et s'investit plus à long terme. Pour autant, l'humour et la maîtrise de la technique les unit : voilà tout le charme de leurs clichés sépias et noir & blanc.
Le livre présente les photographies conservées au musée de Bretagne, qui sont des tirages et négatifs sur verre ne concernant que les vues réalisées au sein de leur région. Les clichés de Paul offrent un panorama assez varié du monde du travail en Bretagne avant 1900. Elles montrent des paysans (en plein égrenage de céréales), des pêcheurs (de sardines ! ) et dressent l'inventaire d'autres métiers ayant progressivement disparu au fil du siècle.
Perchée sur un bras de terre au milieu des marais salants de Billiers, une femme, coiffée d'un voile blanc léger, récupère sereinement le sel dans son panier en osier. Plus loin, des pêcheurs amarrent sur le petit port pavé de Concarneau, en 1905. Attendu fermement par des femmes en tenue traditionnelle, l'un des pêcheurs tient dans chaque main un panier plein de victuailles, fixant l'objectif de Paul Géniaux. Voici notre héros, l'homme aux sardines, devant les autres cachés sous leurs bérets, vaquant à leurs affaires portuaires. Ainsi, le photographe a su donner de la puissance à cet instant, captant le regard du pêcheur miraculeux.
© Paul Géniaux, Retour de pêche Concarneau vers 1905, négatif argentique, vers 1905.
La majeure partie des clichés sont signés Paul, puisque Charles ne se consacrera presqu'entièrement à la littérature. Curieux d'arpenter la réalité sociale de l'époque ? Le livre vous offre des photographies humanistes dont les sujets, plus ou moins mis en scène, sont captés avec un sens aigu de la composition. Cadrage et lumière dénotent un véritable talent artistique : oui, c'est génial !
Introduit savamment par Laurence Prod'homme, l'on vous conseille de jeter un œil à cette riche et savoureuse série de clichés au goût rural et océanique de l'Ouest du début du XXème siècle. L'union fait la force : on aurait presque envie de se remettre au travail !
Estelle Magnin