© Gabriele Basilico - Rome (2003)
© Gabriele Basilico - Porto, Portugal (1995)
Un espace urbain vivant
Gabriele Basilico explore l'identité polymorphe des villes, des métropoles. Étymologiquement, mêtêr-polis veut dire « corps qui contient ». C'est le sens le plus ancien. Une ville mère presque humanisée, personnifiée et la photographie serait le moyen de renouer avec cette relation originelle. La photographie est le trait d'union entre l'être humain et le monde, qui revêt l'apparence de l'urbanisme pour Basilico.
Les villes sont comme des corps. Elles apparaissent vivantes sur les photos où l'absence d'être humain est notable. C'est un choix assumé. L'urbanisme est le cœur du sujet et sur certaines photos la cité prend vie. Nous entretenons des relations physiques et mentales avec les métropoles et c'est cela que veut mettre en avant le photographe qui se sent « habité » par la ville. Basilico ne cherche pas l'instant unique, le fragment mais au contraire il essaye de comprendre la complexité du paysage dans son ensemble, de s'infiltrer entre ses strates.
© Gabriele Basilico - Palerme, Italie (1998)
Le travail du photographe est conceptuel et découle d'une seule réflexion : pratiquer la photographie descriptive chère à son maître http://www.photo-arago.fr/C.aspx?VP3=CMS3&VF=GPPO26_3_VForm&ERIDS=2C6NU0OBY4CR:2C6NU0OBSIV4:2C6NU0OBMZB8:2C6NU0OFG2QH:2C6NU0WS44AA". Le célèbre photographe américain, surtout connu pour ses portraits, a beaucoup photographié la post-industrialisation. Gabriele Basilico s'acharne à comprendre les phénomènes de mutation que connaît notre environnement : uniformisation, expansion urbaine, post-industrialisation... La photographie est pour lui une forme de « contemplation ». Une observation intense que le lecteur développe au fur et à mesure de l'ouvrage.
Sans jugement, toujours dans cette démarche conceptuelle presque scientifique, Basilico montre ce que l'homme fait de la ville. Beyrouth, déchiquetée par quinze ans de guerre, Monaco, pays qui connait la plus forte densité de population au monde, Shanghaï transformée en jeu de dominos géants.
© Gabriele Basilico - Rio de janeiro, Brésil (2014)
L'urbanité sur papier glacé
Techniquement c'est un travail intéressant. La plupart des photos sont en noir et blanc et en vision panoramique. Une grande part de l'expressivité des photos s'effectue au cadrage. Basilico joue avec le cadre comme il joue avec le paysage, les lignes, les horizons. C'est le cas dans sa série faite pour la Datar (Délégation interministérielle à l'Aménagement du Territoire et à l'Attractivité Régionale) sur les littoraux du nord de la France.
© Gabriele Basilico - Fort-Mahon-Plage, France (1985)
L'Italie et surtout sa ville natale Milan sont sa source première d'inspiration (l'Italie est le pays qui comprend le plus de biens culturels classés au patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO). La transition post-industrielle et les autres transformations urbaines obnubilent Basilico. Sa série Milano. Ritratti di fabbriche correspond à la fin d'une époque. On comprend petit à petit l'idée d'un regard plus long, d'une contemplation, car les photos de Basilico nous amènent à cette forme de méditation. Il ne cherche pas la beauté mais la complexité, la force et l'humanité qui se dégagent des villes.
Sa relation à Milan est très présente dans le livre. Être milanais c'est avoir conscience de vivre dans une ville où beauté et laideur se mêlent, une ville qui porte ses plaies, qui a eu des ambitions disproportionnées et des espoirs déçus. « Au fil des ans la ville est devenue pour moi comme un port de mer, un espace personnel duquel partir vers d'autres mers, vers d'autres cités, pour y retourner puis y repartir. Un port qui est un lieu ferme, stable, dans lequel s'accumulent les découvertes et les souvenirs de lieux lointains » écrit-il. Basilico a arpenté l'Italie, l'Europe mais aussi San Francisco, Rio de Janeiro, Shanghaï, Istanbul, Beyrouth.
© Gabriele Basilico - extrait de la série Milano. Ritratti di fabbriche (1978-1980)
Gabriele Basilico, spectateur de changements, termine son livre par des photos d'architectures antiques (le Colisée de Rome et le théâtre d'Orange). Ce choix n'est pas anodin et renvoie à une forme de nostalgie. Ou est-ce une réponse à sa recherche conceptuelle acharnée ?
À l'époque où la ville s'étend, de plus en plus indescriptible, Gabriele Basilico ne la dématérialise pas. Il cherche à comprendre les changements dans leur ensemble et dans leur contexte pour fournir une image globale de la ville. Exclusivement dédiées aux espaces urbains, ses photos exaltent l'essence des agencements des formes, des espaces, des structures. « Chaque vue d'une rue, d'un bâtiment est en faite un portrait » analyse Roberta Valtorta. Urbanité et humanité sont jointes par la photographie.
Gabriele Basilico
Edition Actes Sud - Photo poche n°152
82 pages reliées
Date de parution : 19/11/2014
ISBN : 978-2-330-03294-4
Prix : 13 euros
Guillaume Reuge