©Jean-Claude Coutausse: Oiseaux maudits, 1992
©Cédric Gerbehaye - VU
Après deux livres consacrés aux agences Sipa et Sygma, 40 ans de photo-journalisme propose cette fois un panel d'images plus contemporaines (de 1960 à 2014) qui a marqué l'histoire du photo-journalisme.
Afin d'introduire les faits, et surtout d'établir un contexte historique pour le lecteur égaré, c'est une préface à forte dimension métaphorique qui est proposée en tête d'ouvrage. Alain Genestar, directeur entre autres du bimestriel Polka magazine, y retrace brièvement les débuts du photo-journalisme, jusqu'à nos jours. Si les premiers constats sont d'abord assez pessimistes, ceux-ci sont vite balayés par un propos principal nuancé, plein d'espoir, finalement confiant : oui, l'écran est un support ami de la photographie. Alain Genestar semble vouloir asseoir l'idée que le 2.0 n'est pas l'ennemi des troubles médiatiques actuels, et que, comme le disait si justement Régis Debray, un média n'en a jamais tué un autre, il le devance simplement.
©Ben Baker - Redux
« L'Age d'or du photo-journalisme argentique a duré moins d'un siècle »
A la fois point de départ et conclusion, ce titre est celui qui introduit les quelques pages éclairantes rédigées par le journaliste et professeur Michel Puech, actuellement actif blogueur du site Médiapart. L'auteur présente de façon chronologique les grands évènements qui ont marqué le photojournalisme depuis sa naissance. Il retrace donc les débuts éclatants de 1930, l'avènement de la photographie sociale jusqu'à la guerre d'Espagne, les «Trente Glorieuses» de la presse et de la photographie, jusqu'à la crise économique des années 80, et son essor progressiste qui sera un véritable bouleversement économique et social.
©Ben Baker - Redux
Ayant la souplesse du format magazine et le sérieux de la monographie, 40 ans de photo-journalisme propose des tirages de qualité, toujours précédés d'une légende, ainsi que d'une biographie du photographe concerné, dans laquelle sont rassemblées quatre ou cinq dates clés. Ces courts textes sont donc les récits de la prise de vue, des anecdotes ou des témoignages à propos de la vie, de la carrière du photographe auteur.
Ainsi, avec la première image de Raymond Depardon, le lecteur a l'occasion de se délecter d'un temps révolu : celui des fulgurants débuts du photojournalisme et de l'aisance avec laquelle le sujet était appréhendé. Une faste période, durant laquelle il était possible de photographier Jean-Luc Godard et Jean Seberg sans complications : « Pas besoin de laisser- passer ou d'accréditation à l'époque (…) Je porte une veste prince de Galles, une chemise en plastique que je peux laver dans ma chambre et une vague cravate. Etonnés par ma jeunesse ? J'ai dix-huit ans et j'en parais deux de moins... »
Ordonnées de façon chronologique, les photographies suivent les grands évènements du siècle.
De la prise d'otage de Françoise Claustre jusqu'à la première nuit des révoltes de la place Maidan, en passant par la guerre d'Irak, le conflit Syrien, les naufragés de Lampedusa, l'actualité qui a marqué les consciences collectives est ici bien lisible en image.
Pourtant, la guerre, l'injustice et la mort ne sont pas les seuls thème abordés par la profession. Heureusement, certaines images phares sont innocentes, joyeuses même. Comme cette prise de vue de Versailles en 2002 par Patrick Tourneboeuf, ou bien ce fameux noir et blanc de Gérard Uféras, qui a pu photographier en 1991 quatre choristes d'opéra Anglaises.
Culture, sport, people, fait divers, politique française... Rien ne manque à l'appel en somme.
« Laisser une trace de cette mémoire plurielle »
Outre un panorama porteur de cinquante quatre années de visuels, de récits de vies ou d'évènements divers, Génération Agence rassemble également huit portraits journalistiques, savamment disposés au gré des pages, et qui prennent la forme d'une interview.
©Peter Menzel - Focus
Sont cités : des photographes (Raymond Depardon, Daniel Angeli...), des directeurs et fondateurs d'agences (Marcel Saba pour Redux pictures, Christian Caujolle, ancien de Libération et désormais responsable de l'Agence Vu'), des journalistes aussi... Comme Michel Setboun qui, à l'initiative de 40 ans de photo-journalisme, conclut en rejoignant les premiers propos d'Alain Genestar : « Le Web et le Numérique doivent permettre au photographe d'être un agitateur d'idées. »
©Scott Houston - Polaris
« L'âge d'or du photo-journalisme en 3 volumes », est-t-il possible de lire sur la première de couverture. Après les deux premiers volumes sur la génération Sipa, puis Sygma, Génération Agence propose cette fois un panel a fortiori bien plus large, représentatif des années 70 à nos jours. Entre les fameuses agences Vu', VII, Dalmas, et les plus récentes Abaca, Black Star, ou Contrasto, les deux auteurs de Générations Agences remplissent tout à fait la fonction qu'ils s'étaient assignés : offrir une visibilité et une compréhension efficace à propos de l'histoire du photo-journalisme. Une sélection de photographies attractives, des textes courts mais de qualité, pour une combinaison finalement enrichissante, généreuse et haute en couleurs.
40 ans de photo-journalisme : Génération agences
Editions de la Martinière
Photographie
250 x 285 mm - 240 pages
04 septembre 2014 - 9782732464022
39 €
Charlotte Courtois