Hollywood en Kodachrome de David Willis
David Willis rassemble ici l'une des plus grandes collections de kodachromes (film de couleur produit par Kodak jusqu'en 2009) et photographies couleurs des années 1940. Publié en France aux Editions de La Martinière, l'ouvrage permet au public d'admirer les grandes stars d'antan telles que Clark Gable, Frank Sinatra, Bette Davis, Lauren Bacall et Elizabeth Taylor pour ne citer qu'eux.
Divisé en plusieurs parties, revenant sur l'historique du kodachrome et avec des images très...colorées..., Hollywood en Kodachrome nous plonge davantage dans l'univers cinématographique que photographique même si les deux font la pair.
© Inconnu. Carmen Miranda dans Copacabana (Copacabana), 1947
L'attrait des couleurs, de la lumière, des contrastes et de la technique est tel qu'on se laisse vite subjuguer. Certes, quelques clichés sont peu naturels mais il y a une certaine nostalgie et fascination à l'égard du kodachrome et des "movie stars" des années 1940. Ces images sont historiques, légendaires. Les férus de cinéma tout comme de photographie seront comblés !
Par ailleurs, il est très intéressant de voir ces acteurs et actrices dans différentes situations. De simples portraits en passant par des shootings pour des marques, les comédiens ont plusieurs facettes. Joan Crawford, Elizabeth Taylor et Robert Mitchum apparaissent décontractés dans leur vie quotidienne. Gene Tierney, Ava Gardner et Lauren Bacall prennent un air très sérieux lorsqu'elles posent tandis qu'Hedy Lamarr et Veronica Lake habitent leur rôle au moment de la promotion d'un film. Gregory Peck, Betty Hudson, Betty Grable et Gary Cooper nous amusent en tant qu'égéries de marques. Enfin, Ella Raines et Henry Fonda deviennent des emblèmes patriotiques. Le tout répond à des opérations marketing bien rodées. On le sait et on le voit. Chaque type d'images correspond à une mise en scène très particulière. Les poses également. C'est si époustouflant qu'une même actrice est méconnaissable d'une image à l'autre. Gene Tierney, séductrice et innocente à la fois. Ava Gardner, candide à la plage, impressionnante dans Un Caprice de Vénus, femme dans ses portraits. Le maquillage, la coiffure, la toile de fond, les chapeaux, les costumes et bijoux, le jeu d'ombre et de lumière : autant d'éléments qui confèrent une aura particulière. Les comédiens, de véritable caméléons...
© Ray Jones. Ella Raines, 1945
© Inconnu. Gene Tierney dans Péché Mortel (Leave Her to Heavan), 1945
© Bob Beerman, Robert Mitchum et ses fils Christopher (devant) et James, 1947
Enfin, certains clichés sont si spectaculaires qu'ils attisent notre curiosité. On a envie de découvrir « le film de la photo ». David Willis et Stephen Schmidt réussissent donc le pari d'envouter les passionnés de photo comme de cinéma et de les faire se rencontrer.
© Eric Carptenter, Fred Astaire dans Ziegfeld Follies (Ziegfeld Follies), 1947
© Robert Coburn, Rita Hayworth dans La Reine de Broadway (Cover Girl), 1944
La conception du livre : barbante
Si ces images sont remarquables par leur éclat et leur mise en scène, la conception du livre l'est moins. L'introduction sur le kodachrome est assez lourde, trop détaillée et l'écriture peu fluide. Le cinéma doit faire rêver. Il en va de même pour les photographies qui doivent nous transporter. Connaître le processus de fabrication de ces clichés dénature leur enchantement. Il n'y a plus de place à l'imagerie. On pourrait assimiler cela aux visites des grands studios américains. Qui veut voir un paysage préfabriqué ? A priori, peu de personnes. La photographie n'échappe pas à ce principe.
Autres bémols : le chapitre « Miss Technicolor » en référence à Lucille Ball dont le roux des cheveux et le bleu des yeux furent jugés « techniquement parfait », trop court, aurait pu faire partie de l'introduction quand les chapitres « Des stars divines » et « Des éclairages créateurs d'illusion » se ressemblent et aurait pu être réunis. Enfin, les acteurs sont peu représentés. Quid de Buster Keaton, John Wayne et Humphrey Bogart ? Apparemment. Malheureusement.
© Eliot Elisofon, Lucille Ball dans La Du Barry était une dame (Du Barry Was a Lady), 1943
Dans l'ensemble, on retient qu'Hollywood en Kodachrome est un livre mal construit agrémenté de superbes photos. Mais, après tout, l'ouvrage a pour fonction d'être vu et non lu. Sur son support, posé dans la table du salon ou sur une étagère, on le feuillette avec plaisir. On passe alors devant tous les jours, on tourne ses pages au gré de nos émotions. Quelques mois après, voire quelques années, certaines photographies s'offrent à nouveau à nous. Des détails apparaissent, de nouveaux niveaux de lecture également. Alors, finalement, n'est-ce pas ce qui compte le plus ?
Caroline Vincent