Couverture © Chema Madoz
Artiste emblématique, le photographe espagnol n'est comparable à personne, et personne ne peut se comparer à lui. Ses photographies sont à l'image de l'homme : atypique.
José Maria Rodriguez Madoz, de son nom complet, est né le 20 janvier 1958 à Madrid. Sa famille est relativement modeste, et son enfance restreinte par le régime politique de Francisco Franco. Il fait sa première photographie à 6 ans. Maladroite et peu cadrée, elle marque tout de même le début de son histoire d'amour avec l'art.
Après la mort du dictateur Franco en 1975, le calme revient en Espagne, et Chema Madoz prend le goût de cette nouvelle liberté. À la fleur de l'âge, il participe même à la « Movida », mouvement culturel créatif de la jeunesse espagnol qui voit le jour à la chute de la dictature.
En 1978, Chema Madoz connait sa première « expérience magique » grâce à l'appareil photo d'un ami. Très vite, il s'achète son propre objectif : un Olympus Reflex de 35mm. Dans les années 1980, le jeune homme décide de reprendre des études en parallèle de son travail à la banque « Banesto ». Il opte pour l'histoire ainsi que pour des cours de photographie au « Centro de Estudios de la Imagen » pour en apprendre davantage sur sa naissante passion. Cette plongée dans l'univers artistique le pousse à exposer ses photos quatre ans plus tard dans le bar « Libertad 8 » à Madrid, centre des jeunes musiciens, poètes et artistes, après avoir convaincu les maîtres des lieux. Une exposition qui n'a pas rencontré un franc succès, mais qui a permis au jeune artiste de découvrir les prémices de son univers actuel.
© Chema Madoz
Petit à petit, et grâce au soutien de sa femme Monchi, rencontré en 1984, il poursuit son ascension dans le monde de la photographie. Il participe même, en 1985, aux « Rencontre d'Arles ».
En 1990, Chema Madoz change de direction pour la première fois : désormais, il ne photographie plus l'Homme dans tous ses états, mais l'objet sous toutes ses coutures. « C'est le seul avant/après de mon oeuvre ».
Deux ans plus tard, il n'hésite plus, et se lance corps et âme dans le métier de photographe. Il lui aura fallu beaucoup de temps avant d'être accepté, connu et reconnu pour son travail. Souhaitant à tout prix garder son intégrité, il refuse même certains travaux commerciaux avec des agences de publicité. Lui, cherche à développer son art, explorer la photographie, et non à commercialiser ses œuvres contre de l'argent.
D'année en année, Chema Madoz prend de la hauteur, et expose partout dans le monde. En 2000, il reçoit le « Prix National de Photographie » dans son pays natal. Une consécration pour cet homme qui n'a cessé de défendre bec et ongles son empreinte.
« C'était magique qu'on s'intéresse à mon travail et que je puisse en vivre »
L'ouvrage Angle de réflexion, publié par les éditions Actes Sud, propose 300 de ses photographies, en noir et blanc. De ses premières captations des tribulations des Hommes, à ses objets aux mille personnalités, ce livre montre l'univers du photographe dans un beau format 33 x 25 cm.
Cinq personnalités se sont partagées les quelques pages restantes pour parler, raconter et analyser l'ensemble de l'oeuvre de Chema Madoz. Photographes, journalistes, auteurs... Chema Madoz a inspiré leurs plumes pour écrire quelques lignes – voir quelques pages – sur l'artiste. Lui qui ne manque pas d'imagination emporte visiblement les autres dans cette vague créative.
« {…} l'oeuvre de Madoz ressemble parfois à un stupéfiant cabinet de sciences naturelles où les métaphores se camouflent et se poursuivent. Ou, encore mieux, remontent aux origines comme personne ne l'aurait soupçonné » (Estrella De Diego)
Estrella De Diego, écrivain, compare l'atelier de Chema Madoz au laboratoire de Freud. En quelques théories, et tour de passe-passe, l'auteure arrive à mettre en avant leurs ressemblances et leurs dissemblances.
Avant même de parler du photographe, elle raconte l'histoire du collectionneur, de l'homme qui est passionné par les objets de toutes sortes. Une source d’inspiration illimitée pour Chema Madoz.
© Chema Madoz
« Même si j'utilise des objets, je parle des personnes » (Chema Madoz)
Avec lui, le bois devient une flamme, une boîte de conserve se transforme en bonhomme, une pelle se déguise en tombe, et les gouttes d'eau se changent en clous. Une carte peut en dévoiler une autre dans son atelier. Devant l'objectif du photographe, les objets prennent une autre forme, et gagnent une nouvelle âme. Sous sa lumière, une cuillère devient une fourchette, il est comme un magicien d'un genre différent : pas de feux d'artifices, juste un flash ; et pas de colombes dans un chapeau, mais un nuage en cage.
Chema Madoz joue et manipule les quatre éléments avec une facilité déconcertante. Ces photos laissent de la place aux rêves. Elles emmènent l'observateur loin du monde et de sa logique, dans un univers parallèle.
Christian Caujolle, fondateur de l'Agence VU', s'interroge : « Mais où va-t-il donc chercher tout ça ? ». Personne ne le sait vraiment. Une seule chose est sûre, il emporte tout le monde avec lui.
Noëmie Beillon
Angle de réflexion de Chema Madoz, Édition Actes Sud
Textes de Duane Michals, Christian Caujolle, Estrella de Diego, Olivia Maria de Rubio et Alberto Anaut
24 x 34 cm / 458 pages
300 photographies en noir et blanc
65€