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« Le Chant de la Cigale » d'Eric Tcheou

Lundi 28 Juillet 2014 14:46:25 par actuphoto dans Livres Chroniques

©Eric Tcheou
« Eric Tchéou, photographe français d'origine laotienne, a étudié l'histoire de l'art et la façon dont les notions d'identités ont été représentées dans les arts visuels de la fin du 20eme siècle. En 2009, il publie une autofiction, Le son d'une main, dans laquelle il réfléchit au cheminement émotionnel et spirituel (…) pour faire face au deuil et aux secousses imprévues de la vie ». Conçu comme une réponse visuelle à un Haïku de Matsuo Bashô (Rien ne dit dans le chant de la cigale qu'elle est près de sa fin), Le Chant de la Cigale, est son premier livre photo. Edité aux éditions Kehrer, cet ouvrage photographique de 64 pages est le « journal visuel d'un voyage intérieur ».



©Eric Tcheou


« J'ai toujours collectionné des images, pas forcément des images que j'ai faites. Au début, j'écrivais sur le travail des autres mais je suis passé de l'autre côté de la caméra pour créer les images que j'avais envie de voir. Pour ce projet, durant la prise de vue, je gardais perpétuellement en tête la question suivante: 'Que fait le vent quand il ne souffle pas?' » (Eric Tchéou). Ce questionnement condense plusieurs thématiques dont l'une qui est centrale pour l'ouvrage : Comment transcender la douleur qu'on pourrait ressentir lorsqu'on est confronté à des questions sans réponses ? La démarche de l'artiste s'insère donc dans cette quête de sens. Il examine ce qui pourrait être significatif lorsque les réponses aux questions se font attendre ou comment faire face à l'inéluctabilité du changement.

Placé à la fin de l'ouvrage, le commentaire intitulé La Traversée des Apparences et écrit par Laurent Buffet (Docteur en philosophie de l'art) analyse l'œuvre d'Eric Tchéou : « les images qui composent Le Chant de La Cigale mettent en tension certains antagonismes fondamentaux de la photographie ». La première opposition la plus évidente des travaux du photographe est « la répartition de l'ombre et de la lumière ». Sur la couverture, un cercle lumineux transcende l'image en son centre. Un éclat qui se propage d'autant plus qu'il se détache sur un fond noir. Ce cercle ambigu fait autant référence au sublime (de loin l'image fait penser à une lune) qu'au thème plus sombre au centre de l'ouvrage (de près l'image fait référence à une lumière artificielle de celles qu'on pourrait voir sur une table d'opération). La mise en parallèle d'un enso, peinture à encre que les moines zen tracent pendant une méditation, en quatrième de couverture souligne la recherche spirituelle associée à ce travail. Les quelques faisceaux de lumière qui transcendent les clichés tout au long de l'ouvrage apparaissent comme une percée d'espoir dans un univers incertain, où les ténèbres semblent parfois l'emporter. Les émotions véhiculées sont induites principalement par la modulation des lumières sur l'objet ou les lieux photographiés.

Des draps froissés, le plumage d'un oiseau à terre, ou des cocottes en papier, Eric Tchéou combine les différents matériaux qu'il a trouvé dans ses errances afin de créer des dyptiques surprenantes ou qui interpellent. « L'oiseau décomposé n'est pas seulement un oiseau, mais aussi le fantôme du corps qui gît sur l'image précédente ». Avec cet ouvrage, le photographe construit une véritable narration au fil des clichés. Le but n'est pas de faire un récit linéaire mais de proposer des séquences visuelles via un editing précis comme une suite musicale en image pour accompagner le lecteur à son interrogation personnelle.



©Eric Tcheou


Un cheminement à tâtons dans le flou d'interrogations existentielles. Cette atmosphère laisse aussi place à des portraits où les regards se sont perdus et les visages s'affichent durs et crispés. Eric Tchéou pose pour sa propre série comme dans ce portrait où, tête baissée, il semble s'incliner face au poids de l'insoluble. « Les personnes que j'ai introduites sont des repères dans un univers flou, un peu comme les refrains dans une chanson, pour suggérer une universalité du propos. Ce ne sont toutefois pas des portraits conventionnels où l'on essaye de capter une personnalité mais davantage des autoportraits à travers d'autres personnes. J'ai projeté sur ces personnes-là des états d'esprit, une certaine émotion que je voulais partager ».



©Eric Tcheou


Les mises en scène d'objets, comme une robe de mariée abandonnée sur un mannequin ou un tas de photos parsemées sur le sol, gardent en elles une trace d'humanité. Des environnements abandonnés mais qui gardent l'empreinte d'un passage, comme si quelqu'un venait de quitter la pièce. Un départ renforcé par le spectre de la mort qui plane dans l'ouvrage. « L'édition du livre a été construite autour d'une image centrale, celle de ma main posée sur le bras de mon père après son décès. Le soir même, lors de la rédaction de mon journal alors que je cherchais quoi écrire, ce haïku du moine zen Bashô m'est venu spontanément en tête. J'ai puisé dans ce vécu pour partager une réflexion sur la perte ou le deuil mais l'ouvrage n'est pas du tout biographique ». Avec des décors parfois quasi surnaturels, Eric Tchéou propose des photos très contenues dans un cadre au sein duquel le format du livre permet d'ajouter une certaine grammaire. « Il y a des atmosphères qui m'inspirent particulièrement. J'aime par exemple prendre des photos au crépuscule durant ce moment où la lumière artificielle et naturelle se mélangent ». Une composition bien particulière renforcée par le symbolisme des couleurs.



©Eric Tcheou


« Une certaine artificialité caractérise plusieurs de ces images – due, pour une part, à l'intensité des couleurs (des rouges et des bleus principalement) ; pour une autre, à l'ostentation de leur mise en scène. L'ensemble de l'histoire que compose Le Chant et la Cigale baigne dans une atmosphère irréelle où l'amour, la mort, la vie semblent participer d'un même songe. La photographie s'affirme alors, non plus comme une empreinte de la réalité, mais comme ce qui révèle l'absence de réalité du réel, en le montrant précisément comme images ». (Laurent Buffet)



©Eric Tcheou


Au vu de sa formation en histoire de l'art, Eric Tchéou a ponctué son ouvrage photographique de références : « Il y a tout un bagage de l'histoire de la peinture que j'ai en tête même si je n'en suis pas toujours conscient lorsque je fais les images mais je le suis lorsque j'édite l'ouvrage. J'aime créer différents niveaux de lecture au sein d'une même séquence visuelle: un niveau émotionnel qui doit être à la portée de tous ceux qui ont été confronté à des situations similaires et un niveau plus analytique pour ceux qui ont en référence les images clefs de l'histoire de l'art mais c'est une valeur ajoutée non essentielle à la lecture du travail ». En référence à une peinture de Barnett Newmann, certains clichés puisent dans ce patrimoine culturel. « Les lignes verticales d'eau et de feu ne sont pas simplement composées d'eau ou de feu, mais sont aussi des abstractions semblables aux 'zips' de Barnett Newmann. Le Chant et la Cigale exploite avec bonheur toutes les figures de la 'rhétorique de l'image'».

« J'ai construit ce livre-photo comme un memento mori ou comme une invitation à méditer sur notre condition. Je souhaitais notamment que les gens prennent le temps d'entrer dans le travail et d'en avoir une lecture répétée. Le spectateur doit avoir une lecture active de l'ouvrage pour le décoder. Par exemple, on entre directement dans le livre sans préface pour guider la première lecture, les différentes pistes pour entrer dans le travail ne sont données qu'après en fin du livre ».



©Eric Tcheou


Si l'ouvrage se structure autour de questions, permet-il d'en tirer des réponses ? « Je cherchais une réponse, et je pense que je l'ai donné dans le livre». L'aspiration ultime de l'ouvrage est d'offrir une note d'espoir face à un tourbillon de complexité. « Pour moi, le sujet est sombre, mais mon propos n'est pas sinistre. J'aimerais que les gens retiennent de la lecture que l'on peut sortir de ce désespoir. On peut passer dans la vie par des passages très noirs, mais, on peut aussi dépasser cette douleur même si on ne l'oublie jamais ». A propos de la dernière photo, Laurent Buffet commente : « Dans un paysage de nuit, un kiosque à musique est éclairé par une lumière blanche. Les corps, les désirs, les peurs, les souffrances ont disparu. La scène est vide ».


Capucine Michelet

Le Chant de la Cigale, Eric Tcheou

Editions Kherer


Textes de Matsuo Bashô, Laurent Buffet, Arthur Rimbaud

Anglais/français

Format : 24 x 19,5 cm

64 pages

Euro 29,90






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