© Filip Dujardin
Initialement étudiant en architecture, Filip Dujardin a finalement décidé de relier ces deux domaines de prédilections, à savoir l'architecture et la photographie. Actuellement exposé à la Galerie Highlights de San Francisco, les photomontages de Filip Dujardin ne manquent pas d'interpeller l'attention de la scène internationale.
En effet, l'artiste belge n'est pas seulement photographe, il assemble également des clichés d'immeubles qu'il a réalisé lui-même au travers de photomontages ingénieux, et propose des créations architecturales qui semblent tout droit sorties de films de science fiction.
© Filip Dujardin
Dans le contenu comme dans la forme, Filip Dujardin légitime la postproduction : c'est un véritable bricolage de la forme et de la matière, un combat permanent entre le vide et le plein, l'en dedans et l'en dehors, entre les superpositions et les reconstructions.
La fiction est visible à travers chaque ligne, à chaque recoin des infrastructures.
Se réclamant d'un courant surréaliste contemporain, l'artiste aime à citer René Magritte ou Raoul Servais en tant que références, et si « le surréalisme, c'est la connaissance immédiate du réel » pour citer Margritte, il est évident que cette immédiateté est paradoxalement l'essence du travail de collage de Filip Dujardin.
© Filip Dujardin
Force est de constater que pour questionner l'architecture belge contemporaine, le jeune homme est toujours parti à la recherche de structures réelles, palpables. Ces modèles ordinaires et cette appréhension directe du réel sont les éléments qui déclenchent l'idée, le désir et le besoin de modifier, d'ajouter, de superposer des éléments existants ou inventés.
Pourtant, le but recherché ici n'est pas la critique directe : le photographe dira lui même vouloir « commenter », soulever des idées, des évidences, des détails trop souvent ignorés.
Ainsi, ce sont des monuments gigantesques qui se dressent sur chaque page entre ciel et terre, des lignes et des coins érigés pour ce qui semble appartenir à l'éternel.
Mais ce qui frappe surtout, c'est l'idée de banal et de normalité qui émane de telles structures, particulièrement lorsqu'elles se côtoient d'un point de vue géographique, comme cette prise de vue aérienne de dizaines de toitures dans la ville de Guimaraes.
Il faut aussi pouvoir apprécier la dimension intemporelle des bâtiments, qu'il s'agisse d'appartements modernes, de châteaux ou de stades, tous se voient mêlés les uns aux autres, dans un même élan où l'espace temps ne représente qu'un seul mouvement, un seul trou béant.
© Filip Dujardin
La dimension factice est ici un argument pour questionner l'environnement. Comme si, en tant qu'habitant et spectateur du réel, le lecteur pouvait à chaque page se poser la question du « Pourquoi pas ? »
Pourquoi ne pas habiter un tel bâtiment ? Pourquoi ne pas essayer l'en dedans ? Pourquoi la ville ne serait t-elle pas affranchie des codes et des règles architecturales que chacun connaît ? Ces questions paraissent d'autant plus pertinentes que, plastiquement et esthétiquement parlant, les structures imaginées par Filip Dujardin sont appréciables, certaines mêmes largement habitables.
D'une autre façon, la fiction permet tout autant de proposer un questionnement sur ces surfaces viables ou habitables, de porter un regard critique sur l'aménagement actuel du territoire.
Charlotte Courtois
Fictions, photographies de Filip Dujardin
Editions Hatje Cantz
112 pages / Format 29,2 x 27,2
39.80 euros