Katia Maciel, Ondas : Um dia de nuvens listradas vindas do mar (Vagues : Un jour des nuages rayés venus de la mer) © Photographie : Mario Ladeira
« On pourrait affirmer que le temps est, à certains égards, une invention issue de notre rapport existentiel à la répétition » selon Katia Maciel, dont l'exposition Répétition(s) est présentée à la Maison Européenne de la Photographie jusqu'au 31 août.
Se définissant comme « fille du paysage », à la fois artiste, réalisatrice, poète, chercheuse au CNPq et professeur, Katia Maciel est née à Rio de Janeiro en 1963. L'artiste, dont les œuvres appartiennent à la collection vidéo de la MEP, prépare depuis plusieurs années une exposition de ses travaux en France, à l'aide du commissaire Jean-Luc Soret. Le parti pris de Répétition(s) a donc été celui d'une carte blanche à l'échelle de la MEP. Katia Maciel a préféré aux vidéos les installations, plus immersives. Adaptées à l'espace d'exposition, ses installations se répondent les unes aux autres. L'espace respire et laisse au spectateur le champ libre pour interagir avec les œuvres, qui jouent sur l'imaginaire et le temps.
Le public est d'ailleurs mobilisé dès l'entrée de l'exposition. Dans Ondas : Um dia de nuvens listradas vindas do mar (Vagues : Un jour des nuages rayés venus de la mer), il fait face à une séquence vidéo présentant le ressac des vagues, qu'il a lui même activé en s'approchant de l'oeuvre. L'écume, par versement d'écran, arrive à ses pieds, jusqu'à ce que le ciel soit rempli de nuages. Ce travail est une manière « d'insister sur le présent du spectateur, le fait qu'il soit là, et qu'il doit rester pour pouvoir voir ce qui se passe ».
Katia Maciel, Ondas : Um dia de nuvens listradas vindas do mar (Vagues : Un jour des nuages rayés venus de la mer)
© Photographie : Mario Ladeira
Répétition(s) est donc tout d'abord un moyen d'explorer le rapport avec le temps, « une façon d'insister et en même de faire autrement le présent, de voir différemment le temps qui est là ».
Katia Maciel a d'abord commencé par le cinéma, mais la photographie a fini par s'imposer à elle comme un « moyen de plus de trouver le mouvement ». En effet, « même si l'image est fixe », l'artiste profite de la rencontre entre le mouvement et l'absence de mouvement. Par exemple, dans l'exposition, certains objets sont « temporalisés », à l'instar du sablier de Timeless (Sans durée) qui se déverse dans les deux sens. Il ne s'agit pas « d'animer l'immobile », mais de trouver une trace du mouvement dans l'image figée. En effet, « il y a toujours un mouvement », « même dans la photographie, dans la peinture, on peut voir quelque chose qui bouge », ne serait-ce que « l'air ».
La photographie permet ainsi à Katia Maciel d'accéder à ce qu'elle n'arrivait pas à atteindre par la vidéo. Dans l'oeuvre Inutile paysage, elle souhaite montrer « la défiguration d'une ville dans laquelle en face de chaque immeuble se trouvait un jardin » et où, à cause de la peur, les habitants installent des grilles. Ce projet nécessitait donc à la fois la fixité de l'image photographique et le mouvement permis par le medium vidéo. Katia Maciel raconte qu'elle avait d'abord essayé de placer deux photos face à face, avec et sans grille, mais que cela n'a pas fonctionné. Le spectateur, face au résultat final, se trouve devant deux photographies panoramiques en travelling, où s'alignent les unes après les autres les grilles métalliques.
Katia Maciel, Inutil Paisagem (Paysage Inutile)
© Photographie : Mario Ladeira
Ce que la photographie nous fait voir, c'est donc toujours le présent, « le présent du passé qui n'est pas passé, comme dirait Bergson » indique Katia Maciel. L'apport du médium photographique ici n'est donc pas le « ça a été » si cher à Roland Barthes mais bel et bien le présent.
Influencé par le cinéma, Katia Maciel l'est aussi beaucoup par la philosophie et la littérature. Cet apport textuel est visible au sein de l'exposition. Ainsi, Katia Maciel a choisi de créer pour l'exposition une salle regroupant des travaux qui soulignent son influence littéraire. « Suspendue dans la bibliothèque » dans Autobiographie, les installations tout autour sont « presque comme des pages de ces livres ». La démarche de la vidéo, la structuration des images, le fait de jouer, de découper, de recréer correspondent aux opérations poétiques.
Katia Maciel, Autobiografia (Autobiographie)
© Photographie : Mario Ladeira
Répétition(s) propose ainsi, à l'image de Katia Maciel, une lumineuse et poétique introduction au travail de la vidéaste.
Récemment couronnée d'un prix du patrimoine au Brésil, l'artiste a confié à Actuphoto ses futurs projets : la parution d'un livre de poésie et d'un ebook, consacré au photographe brésilien José Oiticia Filho.
Juliette Chartier
Répétition(s)
Katia Maciel
Du 4 juin au 31 août 2014
Maison Européenne de la Photographie
5-7 rue de Fourcy
75004 Paris
Ouvert du mercredi au dimanche de 11h à 20h
Entrée gratuite pour tous le mercredi de 17h à 20h