Après avoir été exposée en Europe et aux Etats-Unis, la photographe reçoit en 2004 le prix du meilleur livre photo de l'année en Suède, pour Anna Amerikan mummu.
Le dernier en date est un ouvrage petit format aux angles arrondis. Sur la couverture cartonnée à l'aspect recyclé, de larges lettres en majuscule rouges dessinent le nom de l'artiste. Les pages, reliées entre elles par un fil apparent et fin, renforcent l'idée d'un carnet de notes personnel, dans lequel documents, notes et photographies sont essence du voyage, mémoire de l'individu.
Cahiers 1998-2002 porte son titre à merveille : il rassemble cartes postales, morceaux de plans, pages d'écritures, et bien sûr photographies tous formats elles aussi : Polaroids, panoramiques, boitiers demi format 35mm, moyen format, noir et blanc ou couleur... Toutes ces images illustrent et rendent compte des étapes de la visite que Nina Korhonen a rendu à sa grand mère, alors que cette dernière réside en Floride et à New-york.
A la façon d'un carnet de voyage donc, d'un journal intime sur lequel ont été accrochés des bribes de souvenirs, cet objet, non seulement à travers son format mais aussi son contenu, trace un itinéraire. Il est un hommage touchant au Temps, à l'Autre et à l'Espace.
© Nina Korhonen
© Nina Korhonen
Brouillant les frontières du moi et de l'autre, Nina Korhonen fixe à travers l'image des moments quotidiens plutôt intimistes. A travers la façon dont ces instants s'offrent aux regards, ils demeurent discrets, secrets, comme si l'auteur et le spectateur méritaient cette faveur, ce partage de mouvements et d'instants particuliers bien gardés.
© Nina Korhonen
Alors que la grand mère de la photographe est pour la seconde fois (ndlr une première fois dans Anna Amerikan mummu cité plus haut), le principal modèle au fil des pages et de l'aventure, d'autres personnages inconnus se greffent au long des itinéraires. Sur l'asphalte et dans les airs, chaque objet est témoin. Tous participe à une joyeuse mêlée en mouvements, fixés sur papier dans une réalité que chacun est susceptible de ressentir et reconnaître. Outre la qualité de la composition, le jeu sur les perspectives et les structures, il faut saluer la capacité émotionnelle évidente du travail de Nina Korhonen. Si celui-ci est notable dans les détails de l’esthétique, il est surtout présent à travers l'effet que produit la série, à travers l'histoire, la trame narrative commune mais profonde qui caractérise l'ouvrage.
© Nina Korhonen
© Nina Korhonen
Véritable objet d'Art, le Cahier de Nina Korhonen est touchant, dynamique. Il célèbre les différents formats et usages, et renvoie à l'un des aspects les plus anciens de la photographie : ces images vernaculaires (souvent familiales) qui n'avaient alors pas pour but d'être artistiques. Pourtant, de cette nonchalance et de cette volonté de se distancier d'une esthétique propre et remarquable, la photographe semble avoir détourné le genre pour l'asseoir de façon plus efficace encore.
N'est-ce pas là le propre de l'Image ? Sans cesse détourner, explorer, pour mieux pouvoir questionner.
© Nina Korhonen
Charlotte Courtois
Cahiers 1998-2002 de Nina Korhonen
Editions filigranes / Co-producteur : Atelier de visu
Format 140 x 210 / 64 pages
70 photographies en couleur et noir et blanc
16 €