© Alexander Gronsky /INSTITUTE
Pour son premier ouvrage, Pastoral, le photographe Alexander Gronsky emmène ses lecteurs dans les banlieues bétonnées de la capitale Russe. Histoire de partager quelque peu les envies d'évasion de la population locale, coincée entre barres d'immeubles, centrales nucléaires et poteaux électriques.
L'artiste estonien de 34 ans aime se concentrer sur les paysages, et sa réflexion tourne depuis plusieurs années autour des effets de l'environnement sur les populations. En 2006, il photographie les endroits les plus reculés de la Russie, là où plusieurs kilomètres peuvent être parcourus sans croiser personne. En 2008, il rejoint un Moscou enneigé pour un projet autour de la solitude qu'il appellera The Edge. Ce dernier photo-documentaire est récompensé par le prix Foam Paul Huf en 2010. Après être parti explorer la Chine et son chaos organisé, l'artiste fait finalement son retour à Moscou, et livre en 2012 une série d'images des banlieues moscovites. Récompensé par le prix Aperture Portfolio pour son travail, il présentera bientôt son nouveau projet en cours, Norilsk, au festival RussenKo de Paris.
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Pastoral, un peu d'herbe, beaucoup de béton, une table de pique-nique, de vieux déchets. Cela ne ressemble ni à une brochure de vacances, ni à l'image que les lecteurs se font d'un petit coin de paradis. Pourtant, c'est leur évasion à eux, ces russes qui s'éloignent, juste pour une journée, autant que possible de tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à du ciment. Alexander Gronsky les photographie, ces hommes et ces femmes bronzant sur le sable de ce qui semble être une ancienne carrière ; ces enfants qui s'élancent dans un trou d'eau à l'apparence aussi pollué que le réservoir d'un tracteur. Rien ne respire le grand air.
Les photographies sont prises en plan large, afin que le lecteur se rende bien compte que derrière les hommes en maillots de bain, les arbres et l'herbe, il y a un pont, des grues, des usines. Les personnages de ces clichés paraissent alors tous petits face à leur environnement. Une ville qui mange petit à petit chaque recoin de nature, et qui pousse les habitants à improviser des petits bouts de paradis plus improbables les uns que les autres.
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Aucune description des photographies n'est faite, elles parlent d'elles-même. Le lecteur est libre de s'imaginer l'histoire de ces habitants en exode urbain provisoire. Le format de l'ouvrage est relativement grand, presque carré, et la qualité des images est au rendez-vous pour une immersion encore plus réussie au cœur de la ville russe.
Comme une pause pour respirer et prendre une bouffée d'air, l'urbain et les déchets sont absents dans quelques rares clichés de l'ouvrage. C'est tellement surprenant que la première fois le lecteur cherche l'erreur, le bout de béton caché.
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L'artiste réussit à merveille à faire passer sa réflexion autour de l'habitant et son environnement, tout en gardant, dans ses images, une touche de poésie, de tendresse. Entre ville et nature, ces protagonistes improvisés soulèvent la question de l’accommodation : l'homme s'habitue-t-il réellement à toute sorte de situation ?
Tenté de répondre oui, l'artiste, lui, ne donne pas de réponse. Il s'applique simplement à rendre compte de la réalité russe, qui, de toute évidence, est aussi celle de bien d'autres régions du monde.
Louise Tessier
Pastoral par Alexander Gronsky
Editions Contrasto
Format 28,6cm x 24,6cm
127 pages
35 €