Paris. 2012 © Martin Parr / Magnum / Galerie kamel mennour
Il était une fois Paris... vu par un anglais. Une carte blanche, proposée par la Maison Européenne de la Photographie, à l'artiste Martin Parr. Du 26 mars au 25 mai 2014, le public est invité à déambuler dans cette exposition aux clichés plus ou moins flatteurs d'un Paris vu sous un autre angle. Le burlesque, l'incongru, l'inédit, voilà le parti-pris du photographe depuis de nombreuses années.
Paris. 1997 © Martin Parr / Magnum Photos / Galerie kamel mennour
Toujours proche du photo-documentaire, son style et sa manière de faire ont pourtant inévitablement évolués au fil de sa carrière. Au départ initié au noir et blanc, il étudie la photographie à Manchester, et immortalise le prolétariat et les habitudes de la classe ouvrière britannique dans cette même ville. Il abandonne cette pratique après son premier ouvrage, Bad Weather (1982) qui explore le rapport des Irlandais au climat et à l'ennui qui en découle. Ses photographies sociales racontent le quotidien, le tourisme de masse et les revers de la société de consommation.
Des supermarchés aux plages bondées, il n'y a qu'un pas. Tout est affaire de possession, d'achat, d'argent. Sa série Common sense (1995) est composée de gros plans aux couleurs pétantes, moquant les stéréotypes, glanant les détails des modes de vie contemporains. Au début des années 2000, il publie Think of England, une fresque satirique à la fois tendre et ironique des us et coutumes de de son île natale. Martin Parr ne se contente plus uniquement de montrer, il dénonce et amène le spectateur à la réflexion, à sa manière. Preuve de la qualité de son travail, il rejoint l'agence Magnum en 1994.
Paris. Notre Dame. 2012 © Martin Parr / Magnum Photos / Galerie kamel mennour
Selon lui, un rien peut faire une image, il suffit de saisir l'instant, tout simplement. C'est ce qu'il mit en pratique pour l'exposition Paris, arpentant la capitale Française pendant deux ans. Autant de mois de travail où chaque événement, chaque rue, sont susceptibles d'être source d’inspiration : Paris plage, Paris sous la pluie, Paris des musées et du luxe, tout passe à travers l'objectif du photographe. Des clichés qui sont, pour la plupart, loin des clichés justement. Même s'il dit adorer ça, Martin Parr dépasse l'image du parisien au béret, pour en faire découvrir de nouvelles facettes. Tout est couleurs et poésie, humour et satire parfois. L'artiste s'amuse lui-même de ses photographies, décalées et révélant si bien la réalité.
Paris. Le bal des pompiers. 14 juillet. 2012 © Martin Parr / Magnum Photos / Galerie kamel mennour
Paris. Fashion Week. 2013 © Martin Parr / Magnum Photos / Galerie kamel mennour
La MEP lui a réservé un étage entier, pour lui laisser la place d'exposer son œuvre, des scènes de vie chinées ici et là. Une soixantaine en tout, entre images inédites et photographies plus anciennes. Le visiteur se balade dans cet espace comme il arpenterait Paris un jour de vacances. Laissant son regard divaguer, et apprécier ce qui l'entoure. Et puis quelque chose l'interpelle, il s'attarde sur un petit détail, sur un cliché qui l'amuse ou l'intrigue. C'est ça aussi, la vie parisienne, pouvoir être pris au dépourvu, malgré tout.
Les formats des œuvres de Martin Parr varient pour ne jamais lasser, et sont, pour la plupart, en grand format afin de permettre aux visiteurs de se faire absorber par l'image. Parfois des clichés sont même regroupés par points communs, la couleur rose par exemple. Ou encore l'appareil photo, très présent sur les oeuvres de l'artiste qui se plait à immortaliser l'envers du décor. Les murs ont pris une teinte pastel pour l'occasion, adoucissant ces images vives et lumineuses. Un photomaton est dissimulé entre deux salles, et permet aux visiteurs de se faire tirer le portrait sur fond de tour Eiffel. Ah, Paris... !
Paris. La Goutte d'or. Prière dans la rue. 2011 © Martin Parr / Magnum Photos / Galerie kamel mennour
Paris, ses monuments, ses badauds... Martin Parr a une réelle attirance pour les foules. Une foule dansant au bal des pompiers, une foule priant dans la rue, au foule photographiant une œuvre d'art... Pourquoi photographier l'unique tableau de la Joconde alors qu'il peut en photographier des dizaines, provenant de tous ces smartphones ou appareils photos tendus vers l'oeuvre ? Tous ont l'espoir d'en tirer un joli cliché, presque unique et inédit. C'est là toute l'ironie soulevé par l'image de Martin Parr. Après la consommation de masse, voilà la culture de masse. Les spectateurs s'amusent de cette photographie qui dépeint un instant qu'ils trouvent à la limite du ridicule. Pourtant tous l'ont déjà vécu.
Paris. Le Louvre. 2012 © Martin Parr / Magnum Photos / Galerie kamel mennour
Loin des ors du Louvre, les visiteurs croisent aussi dans cette galerie un couple enlacé, allongé sur la pelouse d'un festival d'été. Pris en plongée, ils occupent le centre de l'image. Le visage de ces jeunes personnes n'est pas visible, un garçon et une fille qui semblent profiter simplement d'un moment de détente. Pieds nus noircis par la terre contre baskets, tous deux vêtus d'un short, leurs mains qui s'entremêlent... Voilà une image qui fleure bon le gazon et les promenades estivales. Martin Parr se fait voyeur, voleur d'une parcelle d'intimité, d'une étreinte. Au second plan s’avancent d'autres pieds, d'autres silhouettes coupés par ce cadre qui restreint le champ à ces deux protagonistes. Ces corps offert à tous, cet amour au grand jour, propose un Paris léger, loin du métro et de ses immeubles. Cette image apporte une touche de verdure, de spontanéité et de fraicheur à cette exposition aux couleurs vives.
Paris. Festival en plein air. 1999 © Martin Parr / Magnum Photos / Galerie kamel mennour
Et vous, vous reconnaîtriez-vous dans ces tranches de vie ?
Paris, photographies de Martin Parr
Jusqu'au 25 mai 2014
A la maison européenne de la photographie
5/7 rue de Fourcy, 75004 Paris
Adèle BINAISSE et Louise TESSIER