Couverture 6 Mois © Elena Chernyshova
Le septième numéro du bi mensuel 6 Mois est désormais en Kiosques et librairies.
Au sommaire, quatorze photographes et reportages, une dizaine de pays, des centaines de visages et de paysages.
Depuis 2011, 6 Mois s'est imposé comme un référent en matière d'images de choix, un défi et un parti pris à l'heure ou le numérique presse public et utilisateurs.
Outre des sujets pointus et des photographies de qualité, la magazine peut se targuer d'élargir son contenu grâce à des textes, des entretiens et des légendes remarquables. Parfois, l'artiste commentera lui même son travail, d'autres, un article bien mené viendra clore le reportage.
6 Mois est une réponse, dans le fond comme dans la forme, aux mutations en cours.
Il est un magazine dont les trois cent pages, rêches mais douces, jouissent d'une typographie simple, esthétique, à l'image des reportages ou documentaires représentés.
Force est de constater l’éclectisme de la lignée éditoriale qui, en soutenant les figures de la jeune photographie étrangère ( telle que Elena Chernyshova), rend également deux hommages posthumes ( Jeon Mong- Gag et Lewis Wine).
Il faut aussi féliciter une large couverture chronologique: un départ en 1930 dans l'Amérique de la révolution industrielle ( par Lewis Wine), jusqu'à l'Ukraine de 2013, incarnation et symbole des révolutions, des questionnements Européens actuels.
Un véritable Melting pot en somme, puisqu'il s'agit bien de questionner le monde en le représentant.
Toujours est t-il que l'édito Printemps / Eté 2014 pointe du doigt des problématiques évidentes, celle là mêmes que le public consomme, et que les amateurs ou professionnels déplorent. Car si l'omniprésence de l'image est une vérité merveilleuse, évidente, elle implique également des limites et scissions entre les différents types de photographies, leurs supports, et la façon dont ils seront utilisés.
Dans son interview accordé à Mathilde Boussion dans ce numéro, Michael Kamber condamne une trop grande abondance de l'image, surtout lorsqu'il s'agit de documenter les conflits, comme en Irak, ou plus récemment en Syrie.
Les déferlantes de photographies entrainent une utilisation souvent faussée, car lassantes pour les consciences collectives. Celles-ci devront alors appréhender une vérité plus délicate à situer : trop représentée, bien moins porteuse de sens. Comme délestée d'un cadre spatio-temporel, les images se trouvent alors déliées de leurs contexte.
Pourquoi chercher, pourquoi prendre le temps d'une documentation précise, de sources sûres, quand tout est déjà à portée de main ?
Pour éduquer, pour mieux appréhender l'image, éviter la confusion et la désillusion du visuel, répondrait Michael Kamber.
L'ex photoreporter a fondé en 2011 le Bronx Documentary center, il y enseigne la photographie chaque vendredi, aux gens de son quartier.
Le bi annuel célèbre donc une riche documentation qui, en sillonant l'actualité, parvient à la dépasser. Un magazine visionnaire, poétique et certainement un peu prophétique : 6 Mois réconcilie le lecteur avec une modernité ambivalente, à la fois source de possibilités mais aussi frein créateur.
Il a toujours fallu nuancer, trouver un juste milieu, essayer de tout réconcilier, et il s'avère que la photographie a finalement trouvée un modèle de garantie pour ce faire.
Charlotte Courtois