© Luke Powell
Luke Powell grandit en Caroline du Nord et fait des études religieuses. Son intérêt pour l’Islam le mène en Iran, au Pakistan et en Afghanistan. Un voyage donnant naissance à Afghan Folio, une exposition présentée dans des dizaines de musées et à Mémoire Afghane - Photographies 1973-2003, un recueil de clichés publié par Steidl.
Powell a photographié l’Afghanistan de 1971 à 1978, période à laquelle les communistes arrivèrent au pouvoir. Puis de nouveau en 2000 sur invitation du régime Taliban et en 2003 dans le cadre de son travail pour le « Centre de coordination de la lutte anti-mines en Afghanistan et dans d’autres agences des nations Unies » précise le livre. Véritable gage des intentions de Powell, ce livre sépare « l’art du reportage » et « se fait le porte-parole d’un peuple profondément pacifique en guerre depuis trois décennies » assure-t-il.
Si loin des photographies de destruction, Luke Powell donne à voir des sourires, de la douceur et une petite fille de profil vêtue d’une robe à fleurs rouges avec l’esprit ailleurs. « La plupart du temps, comme souvent ailleurs, elles (les petites filles) gardaient leurs distances. Au-delà de la puberté, on ne les voyait plus. Toutefois, les fillettes allaient souvent librement et ressemblaient à tous les enfants normaux et joyeux du monde ». Quelques pages plus loin, une autre petite, drapée de noir et à l’école, illustre « un rapport publié par les Nations Unies en 2000 » affirmant que « le pourcentage de jeunes filles scolarisée dans toute l’Afghanistan n’avait jamais été aussi élevé qu’à cette date. Cela s’était produit dans les années ou les Talibans étaient au pouvoir ».
© Luke Powell
En feuilletant Mémoire Afghane, le lecteur se voit confronté à des photographies stupéfiantes de sérénité, opposées aux archétypes de l’imaginaire collectif et dont les légendes ne font qu’amplifier le propos. Mais l’Américain témoigne également de l’institution et des mœurs si critiquées du pays, rappelant que les burquas bleu ciel, blanche et or portées par ces femmes sont un « vêtement que le monde islamique a emprunté à la Byzance chrétienne : il permettait aux femmes d’aller et venir dans l’espace public ». Enfin, habité par un désir d’honnêteté, il demande à son lecteur de ne pas jeter la pierre le premier, et de se remémorer que « le patriarcat était un modèle commun à toutes les civilisations les plus abouties que notre espèce ait engendré. Il était l’un des substrats de la culture européenne jusqu'à ce que les entreprises de l’ère industrielle requièrent une main-d’œuvre féminine ».
Le photographe combine paysages traditionnels, poésies de l’image et explications. Ce qu’il veut, c’est essayer « de montrer qu’il existe des moments de grâce et d’harmonie, même dans un pays pauvre et désolé, loin des machines et des câbles, des néons et des écrans. Pour moi l’Afghanistan n’offrait pas seulement le visage mélancolique d’un monde perdu ; j’y trouvais aussi des raisons d’espérer. Observer la riche culture des Afghans et leurs enfants souriants, alors même qu’ils ont été isolés du monde au milieu des ruines de leurs propres empires, m’a rendu plus optimiste quant aux jours qui viendront lorsque l’Occident tombera de son piédestal ». Et pour cela, sa démarche, à l’opposé de la photographie de guerre, se rapproche du témoignage voir de l’Art.
© Luke Powell
Il ne raconte pas une fable que l’occident veut entendre, il prouve par l’image que l’Afghanistan est un pays méjugé et empli de beauté. Finalement, comme pour donner plus de force à ses photographies, il conclut « Le pays était beaucoup plus sur en l’an 2000 sous les Talibans qu’il ne l’avait été pendant les deux décennies précédentes ou ne le serait pendant les deux décennies à venir ».
Laura Kotelnikoff-Béart
Luke Powell Mémoire Afghane – Photographies 1973-2003
Editions Steidl
280 Pages
42,8 x 32,8 cm
125 €