Christophe Bourseiller est écrivain, acteur et journaliste. Passionné de la presse depuis son plus jeune âge, il est l'auteur de Les 100 unes qui ont fait la presse, ouvrage qui fait la généalogie de la presse en France, de ses origines à nos jours. Les titres retenus sont multiples, des journaux globalement méconnus du 17ème, 18ème et 19ème siècles aux plus célèbres des 20ème et 21ème siècles. A côté de chaque une, un texte renvoie à son contexte et à une brève histoire du journal ou magazine, sans que cela devienne un discours trop technique ou fastidieux.
Les unes retenues retracent l'Histoire et une autre histoire, plus spécialisée, qui est celle de la presse. C'est effectivement à partir du 17ème siècle que la presse moderne commence à se développer, notamment avec La Gazette de Renaudot, parue pour la première fois le 30 mai 1631. Cette une, seul exemple dans l'ouvrage de ce siècle, fait penser plutôt à un livre qu'à un journal, la mise en page spécialisée n'étant pas encore une préoccupation. Le 18ème siècle est illustré par deux unes, elles aussi trop éloignées d'un modèle contemporain.
© L'aurore
Il faut attendre le 19ème siècle, et surtout la fin du siècle, pour que la presse commence véritablement à gagner une place importante. Le journal commence enfin à prendre une forme un peu plus proche de l'actuelle, avec des informations en colonnes, des titres. Les illustrations apparaissent, assez timidement, dans quelques quotidiens. L'édition de L'Illustration, dédié à la publication d'illustrations de presse, du 25 juillet 1891, met une photographie en couverture. La photographie existe déjà depuis longtemps à la fin du 19ème siècle, mais elle n'est pas encore présente telle quelle dans la presse. Les techniques d'impression photographique étant encore assez rudimentaires, les photographies faisaient alors office de modèle pour les dessins. Cette une de L'Illustration marque donc un bouleversement technique important, mais la pratique ne devient courante qu'au siècle suivant, notamment après la première Guerre Mondiale.
© L'Humanité
La quasi-totalité de l'oeuvre est dédiée au développement de la presse au 20ème siècle, qui voit la prolifération des titres, défendant les idéologies, les positions politiques les plus diverses, marque d'une 3ème République qui se veut démocratique et multiple. Dans ces unes du tout début du 20ème siècle, le texte est encore presque omniprésent, avec assez peu de place pour les images, dans une mise en page toujours trop serrée. Parmi ces couvertures, il est possible de voir de quelle façon les événements historiques ont pu être traités dans leurs contextes originaux. Quelques unes défendent des propos qui semblent de nos jours assez absurdes, comme dans l'édition du 1er août 1918 du Petit Journal (l'un des plus grands quotidiens populaires de l'époque) : « La mobilisation n'est pas la guerre. Dans les circonstances présentes, elle apparaît au contraire comme le meilleur moyen d'assurer la paix dans l'honneur. »
Après la première Guerre Mondiale, les images prennent une place beaucoup plus importante dans les publications, et la photographie devient de plus en plus courante. Elles se multiplient sur les unes, mais ce ne sont pas encore des grandes images censées capter, avec le titre, l'attention du lecteur. La variété des titres choisis, témoigne, encore une fois, de points de vue très multiples par rapport aux faits historiques. Cet aspect est frappant, notamment en ce qui concerne les éditions parues pendant la deuxième Guerre Mondiale. Dans Le Cri du peuple, quotidien collaborateur, les propos nazis et nationalistes se multiplient. Dans l'un des articles, il est question de battre un « churchillisme » plutôt qu'un hitlérisme. Une vignette accompagne le court article antisémite, avec la légende « Te fatigues pas, mon gros : pour moi, l'anglais c'est de l'hébreu. »
© Le Petit Parisien
© Hora Kiri
La période qui suit la deuxième Guerre Mondiale marque un nouveau tournant technique dans la presse avec l'arrivée des photos en couleurs. Dans la plupart des quotidiens, le noir et blanc est encore préféré, mais dans les magazines les photographies colorées illustrent la totalité des couvertures. Cette époque contemporaine est représentée par les évènements historiques les plus marquants au niveau national et international, mais aussi par des sujets moins graves, liés au divertissement. Des publications comme Playboy, Lui, Elle, L'Equipe et encore quelques exemples de la presse people, ne sont pas négligés dans l'ouvrage.
© Minute
© L'Equipe
Les 100 unes qui ont fait la presse ne recense certainement pas la totalité des titres parus entre le 17ème siècle et aujourd'hui, ce qui reviendrait à faire un catalogue ennuyeux et finalement sans grand intérêt. Le visage donné à la presse française et à son évolution reste pourtant riche, le choix des titres témoignant d'une véritable volonté de pluralité, même si plusieurs publications sont laissées de côté, notamment celles qui sont issues de la presse régionale. Cette approche historique de la presse, univers si banal et quotidien, donne ainsi au lecteur l'opportunité de la redécouvrir.
© La Presse
© Le Matin
Ana Santos
Les 100 unes qui ont fait la presse
23x33 cm
224 pages
25 euros
