© Arnold Odermatt
La maison Steidl présente la seconde édition de Carambolage. Cet éléphantesque recueil (29 x 32cm), tout de noir et blanc, présente les clichés d'accidents de la route réalisés par Arnold Odermatt durant ses 42 années de carrière au sein de la police cantonale de Nidwald, en Suisse.
Arnold Odermatt rejoint les forces de l'ordre en 1948 avec une idée révolutionnaire : photographier les lieux des accidents de la route afin d'enrichir les rapports de police. D’abord accueillie avec méfiance, l'idée parvient à séduire ses supérieurs et il devient ainsi le premier photographe de police de son pays.
© Arnold Odermatt
Lorsqu'il prend sa retraite en 1990, Arnold Odermatt se consacre au paysage et immortalise les horizons de son canton natal. Il fait part à son fils, devenu metteur en scène, de son désir de publier un recueil de ces photographies en couleurs. Urs Odermatt refuse : « Il y a sur le marché bien trop d’ouvrages médiocres avec des petites photos aux couleurs criantes pour que j’accepte d’augmenter encore les statistiques ».
A cette période, ce dernier effectue des recherches préliminaires pour son film Le Pandore. C'est à cette occasion qu'il découvre dans le grenier de son artiste de père, les photographies réalisées par celui ci dans l'exercice de sa profession. « C’est précisément là que réside le sujet d’un ouvrage de photos reliant le vrai et l’authentique Arnold Odermatt avec une possible niche – le journal d’un homme en uniforme, en service et en civil !»
Ainsi, Carambolage s'inscrit dans la longue lignée de recueils qu'éditera le fils, au sujet de l'oeuvre de son père.
© Arnold Odermatt
Les clichés du photographe, précédés d'une brève introduction de la main de son fils, revêtent les formats les plus divers au sein de l'ouvrage. Ils occupent parfois une pleine page, ses trois quart ou seulement sa moitié. Les images partagent occasionnellement un même feuillet, ou s'étendent sur deux d'entre eux. Les légendes des photographies renseignent uniquement l'année et le lieu de la prise de vue.
Les accidents représentés impliquent aussi bien mobylettes, que voitures, camionnettes, remorques, autobus et poids lourds. Les clichés d'Arnold Odermatt immortalisent les conséquences les plus variées de ces carambolages: engin légèrement cabossé, franchement renversé, automobile pratiquement désintégrée ou nettement encastrée dans un poteau, voitures noyées et autres accrochages. Parfois la chance est donnée au public d'observer la même scène suivant deux angles différents.
© Arnold Odermatt
Le photographe joue également avec les cadrages. Il capture en plans rapprochés les détails des dommages causés aux véhicules. Mais, il offre par ailleurs des vues d'ensembles qui intègrent les automobiles à leurs paysages. Ainsi, il est possible d'apercevoir quelques policiers présents sur la scène, une paire de curieux, ou de bonnes âmes aidant à dégager la voie. L'allemand Klaus Honnef, qui enseigne la théorie de la photographie à l'école des beaux arts de Kassel, remarque que « La plupart des clichés d’Odermatt ne montrent en effet pas seulement le lieu de l’action, mais en même temps ses possibles causes : routes verglacées ou rendues glissantes par la pluie, pneus usagés, tracteur roulant lentement ou tournant soudainement ainsi que comportement probablement fautif des personnes impliquées.»
Des cadrages parfaits, une lumière savamment capturée, des clichés dont l'incroyable esthétique adoucit la brutalité des scènes: ces multiples caractéristiques offrent la certitude que derrière le photographe de police, et depuis ses tous débuts, Arnold Odermatt est bel et bien un véritable artiste.
Carambolage, Arnold Odermatt, Editions Steidl
420 pages
29 x 32 cm
58 euros
Ismène Bouatouch