Tableau de propagande au-dessus de fauteuils vides, Wonsan © Adrien GOLINELLI / agence Phovea
La Corée du nord reste, et semblerait le rester pour un certain temps, un mystère qu'il est difficile à percer. Tourisme, information, arts, éducation, tout passe par un gouvernement totalitaire, mené avec fermeté par son leader, Kim Jong-un. Au-delà du mystère même qui entoure ce pays verrouillé et difficilement accessible, les faits sont là, et ils sont consternants pour tout citoyen d'un pays démocratique : interdiction pour les nord-coréens de quitter le territoire sans autorisation, présence d'une seule et unique agence de presse sous contrôle d'Etat, de la télévision nationale, sans compter l'absence – ou du moins le minimum autorisé - bien évidemment de toute information provenant du monde extérieur, de l'accès à internet et autres réseaux sociaux, interdiction de toute critique envers le régime sous peine de se voir emprisonner ou pire encore... Le liste est longue, et non exhaustive bien sûr, des mesures prises par le gouvernement nord-coréen, ou plutôt par son chef suprême Kim Jong-un, pour faire de son pays une bulle hermétique au reste du monde.
C'est en cela que ce pays intrigue tant. Devant l'inconnu, la curiosité grandit, et le mystère s'intensifie. Ainsi, dans Corée du Nord, l'envers du décor, publié aux éditions de la Martinière, le photographe Adrien Golinelli livre des images à un public qui a soif de connaissances à son sujet.
Festivités en l'honneur du centième anniversaire de la naissance de Kim Il-Sung, Pyongyang © Adrien GOLINELLI / agence Phovea
Né en 1987, il découvre en effet la photographie lors d'un voyage qu'il réalise à 18 ans, seul, de la Suisse au Japon, sans jamais prendre l'avion. Un voyage qui durera deux ans, avec comme compagnon de route un appareil argentique qu'on lui a légué. Il fera des milliers d'images, et prendra goût à un univers qui correspond à ses aspirations : « J'aime cette manière de partager quelque chose avec d'autres personnes. J'ai continué ensuite au format carré, les images de l'ouvrage ont été faites au Rolleiflex. » Un de ses amis l'inscrit à l'appel à candidatures pour le SFR jeunes talent, et en 2012, son projet Corée du Nord, l'envers du décor, remporte le prix. Comme un tremplin, ce prix le propulsera photographe, dans un univers qu'il ne quittera plus.
Les images de Corée du Nord, l'envers du décor, sont celles d'un photographe déguisé en touriste. «Très attiré par les questions géopolitiques, je suivait de près l'actualité de la Corée du Nord. Je rêvais d'y aller, mais les contraintes et les limitations du pays me retenaient. Mais à la mort de Kim Jong Il et la prise de pouvoir de son fils, j'ai eu un déclic, je me suis dit que c'était le moment où jamais d'y aller. » Pendant 15 jours, il a suivi un groupe de touristes connaisseurs de la Corée du Nord, avec qui il a pu arpenter des endroits moins attendus. « Les zones ouvertes aux étrangers sont toutes les mêmes, certains endroits sont des passages obligés. J'ai eu la chance de pouvoir intégrer un groupe d'une douzaine de personnes qui s'étaient déjà rendus de nombreuses fois en Corée du Nord, qui pouvaient donc éviter ces circuits traditionnels, tout en étant bien sûr encadré par un guide et une organisation touristique. »
Métro de Pyongyang © Adrien GOLINELLI / agence Phovea
Ferme coopérative de Chongsangri © Adrien GOLINELLI / agence Phovea
Les photographies d'Adrien Golinelli sont authentiques, et montrent avec la simplicité nécessaire un monde qui, de prime abord, pourrait presque paraître normal. Il réalise des portraits, saisit sa chance lorsque l'opportunité se présente : «Mon objectif était de rencontrer le maximum de nord-coréens, et les appréhender en tant qu'individus et non pas comme une masse. Je cherchais également une vision complète, je voulais voir de quelle façon les gens vivent. »
Ainsi, le pari du jeune photographe est réussi, puisque son ouvrage offre une autre dimension du pays que celui bien souvent attendu. Ici en effet, les Nord-coréens ne semblent plus être les pions d'un régime politique, mais des citoyens presque ordinaires, vivant au gré d'un pays qui, clairement les façonne « Ce qui m'a le plus surpris, c'est la sérénité des gens que j'ai rencontré. Leur attitude était très ouverte, je les imaginais plus lobotomisés ou du moins plus méfiants. Comment un peuple qui vit de cette façon dans une bulle peut-il être aussi calme ? »
Camp international d'enfants de Songdowon © Adrien GOLINELLI / agence Phovea
Les nord-coréens photographiés font partie de la classe moyenne, et la prouesse d'Adrien Golinelli réside dans son intérêt pour cette partie de la population dont on parle trop peu. Des images nues au cœur de l'ouvrage, dont les légendes sont répertoriées seulement dans les dernières pages. L'image prend donc toute la place, et parle d'elle-même.
Corée du Nord, l'envers du décor, propose 74 images en couleur au format carré, témoin d'un pays, d'un univers, d'un véritable monde à part.
Corée du Nord, l'envers du décor d'Adrien Golinelli
Editions de la Martinière
128 pages, format 29 x 25 cm
45 euros
Claire Mayer