© Jean Pierre Favreau
Un ouvrage rempli de personnages, et pourtant, des clichés évoquant la solitude : c'est là toute l'histoire des photographies de Jean Pierre Favreau publiées dans Passagers. Le photographe retrace le travail qu'il a effectué depuis les années 1980 jusqu'à aujourd'hui, de La Havane à Lisbonne, des paysages aux portraits.
Jean Pierre Favreau commence à parcourir le monde en tant que photo-reporter et en profite pour enrichir son travail personnel. Il collabore notamment avec Le Monde, tout en poursuivant ses propres séries de clichés. Dans la préface de Passagers, l'auteur raconte les prémices de cette envie, née il y a 30 ans à New York. La découverte de cette ville va provoquer chez lui un désir d'explorations. Jean Pierre Favreau parle alors de « Rendez-vous que le hasard, seul, aura décidé. » Il se laisse porter par l'environnement sans jamais savoir de quoi le décor sera fait ou la façon dont les rencontres se dérouleront.
© Jean Pierre Favreau, New York, 1984
Dans Passagers les photographies sont accompagnées des textes de Laurent Mauvignier. Au fil de son introduction, l'auteur souligne avec justesse la démarche pleine de modestie des images de Jean-Pierre Favreau et ce désir de capter des sensations précises : « [Sa démarche] ne répond à aucun autre cahier des charges que sa propre nécessité, son propre désir. »
© Jean Pierre Favreau, New York, 1982
« Dans son dos, au centre de l'image, un graffiti semble être son prolongement, son ombre même, comme s'il avait surgi du mur, comme s'il l'avait traversé et que cette ombre maintenant trace au noir sa présence, son passage. Ou alors c'est lui, l'ombre, l'émanation de la figure peinte, elle, le cœur sur le mur et lui, le double, l'échappé – l'homme qui lit El Diario. »
Parmi les 171 images, un sentiment récurrent : la solitude, que Laurent Mauvignier décrit comme « un monde dépeuplé où l'humanité s'accroche avec force ». C'est ce qui est perçu dans ces photographies vides, épurées et pourtant pleine de sens. La sensation est frappante dans la série "Brumes passagères" prise au Japon : Jean Pierre Favreau arrive à donner une autre image de Tôkyô ou Kyôto. Ces villes grouillantes apparaissent ici comme désertées.
© Jean Pierre Favreau, Tôkyô, 2001
© Jean Pierre Favreau, Kyôto, 2001
Sans ordre chronologique, sans réelle organisation géographique, dans Passagers, le travail du photographe se fait écho depuis 30 ans. D'un quai de métro New-yorkais vide à une route de campagne française, toute les images semblent liées. Ainsi se mélangent des quartiers de Berlin, Bologne, Brest, des paysages du Cap-Vert ou de Chine, des âmes esseulées de l'Inde au Mexique.
© Jean Pierre Favreau, Boa Vista, 1987
© Jean Pierre Favreau, La Havane, 1997
Le titre du livre, Passagers, rappelle donc le voyage mais également la notion d'éphémère que semble retranscrire chaque image. C'est à cela que tient la référence aux peintures d'Edward Hopper, une ambiance précise, des scènes uniques et des regards perdus. C'est pourquoi les légendes des photographies ne manquent pas, car l'inspiration du photographe est bien assez présente. Les textes de Laurent Mauvignier viennent uniquement poser des mots sur ce ressenti. Néanmoins, les effets de style semblent parfois lourds, apposés à des photos brutes et non superficielles.
© Jean Pierre Favreau, Rome, 1998
© Jean Pierre Favreau, La Havane, 1995
© Jean Pierre Favreau, Brighton, 1998
Dans les deux dernières séries de l'ouvrage, "Autres heures orientales, Chine" et "Femmes des Sables, Siècles d'un jour d'été", Jean Pierre Favreau propose des images en couleurs. Ces images dénotent alors un peu avec le reste de l'ouvrage, le noir et blanc ayant pour effet de créer une ambiance spéciale, même si les inspirations du photographe restent tout a fait reconnaissables.
Passagers laisse des envies d'évasion, les photographies de Jean Pierre Favreau appellent à aller découvrir le monde selon son propre regard, en prouvant que de New York à la Normandie, des moments de grâce apparaissent.
Chloë Rebmann
Passagers de Jean Pierre Favreau, textes de Laurent Mauvignier
Editions 5 Continents
23 x 25,5 cm - 240 pages
171 illustrations en bichromie et en couleur
39 €