© Nikola Marusic. Toso Dabac, 1962
Tošo Dabac est une figure importante de la photographie croate, si ce n'est sa plus grande fierté. Né en 1907 à Nova Rača, près de Bjelovar, à l'Est de Zagreb, il est décédé il y a plus de 40 ans et reste pourtant peu connu en France et à l'étranger.
La responsable des Archives de Tošo Dabac, Marina Benažić, déplore ce manque de reconnaissance du photographe au niveau international : « Tošo Dabac est l'un des photographes croates les plus importants et le plus intéressant. Mais malheureusement, je reconnais, qu'il est inconnu pour le public français. Dabac a pourtant eu quelques expositions en France. En 1992, une exposition lui est entièrement dédiée à Paris “Tošo Dabac : Mittel Europa, fin de siècles” dans le cadre du Mois de la Photo de Paris. Puis, plus récemment, en 2012, il y a eu 22 photos d'exposées à Paris en tant que grande partie de l'exposition “L'oeil de Peter Knapp sur la photographie croate”. »
Dans ce contexte de l'entrée de la Croatie dans l'Union européenne, il paraissait nécessaire d'en apprendre plus sur Tošo Dabac, investigateur de la photographie en Croatie.
Alors qu'il étudie le droit à l'Université de Zagreb, il découvre la photographie en 1924, et réalise sa première photo à l'âge de 18 ans : "The Panorama of Samobor". Trois ans plus tard, le jeune homme arrêtera ses études et deviendra traducteur pour Fanamet Film, une entreprise de distribution cinématographique. Suite à la fermeture de l'entreprise, il enchainera d'autres emplois à la filiale Metro Goldwyn Mayer de Zagreb, et obtiendra également le poste de rédacteur pour le magazine "Metro-Megafon". Il débute réellement sa carrière en travaillant en tant que photo reporter.
C'est en 1932 que Tošo Dabac va pouvoir exposer ses photographies pour la première fois, lors d'une exposition de photographes amateurs dans la petite ville de Ivanec. Cette même année, il participe au 2ème Salon International de la Photographie de Philadelphie, exposant à côté de grands noms du milieu comme Margaret Bourke-White, Henri Cartier-Bresson ou Paul Outerbridge.
Durant le début des années 1930, il débute la série de photographies “Bijeda” (Misery) qui deviendra ensuite célèbre sous le nom de “People in the street”. Ces photographies, prises de 1933 à 1937, constituent encore aujourd'hui le plus célèbre reportage fait sur les sans-abris de Zagreb. Pour Marina Benažić : « Ce fragment très évocateur de l’œuvre de Dabac représente une chronique poétique de sa ville. Dans les années de la stagnation agraire de l’Europe d’avant-guerre, et au temps de la forte crise économique, Dabac capture, avec son objectif, les motifs zagrebois et les inscrit dans le contexte mondial et centro-européen de ce temps. »
Les personnes de la rue et leurs engagements sociaux laisse une trace importante sur le travail de Tošo Dabac, c'est d'ailleurs pour cette approche qu'il est le plus connu.
À partir de 1937, le photographe est de plus en plus reconnu : il expose aux Etats-Unis, est publié dans des revues du monde entier, remporte de nombreux prix, notamment, pour les plus célèbres, “On the way to the guillotine” et “Philosophie of life”.
Pour la responsable des Archives du photographe : « L'univers photgraphique de Dabac est à la fois laid et beau, parfois même amer... Muni et guidé par son Rolleiflex, toujours présent, il retranscrivait sa ville avec une compassion directement transmise, et modelait une atmosphère semblable aux premiers films de Chaplin, ou des films proches de la période du cinéma muet européen et américain. Mais Dabac a toujours su garder sa distance d’observateur, ne tombant jamais dans le pathétique. »
Les Archives Tošo Dabac
Avant de devenir ses Archives posthumes, Tošo Dabac ouvre cet atelier en 1940 au 17 Illica à Zagreb. À cette période de sa vie, le photographe a une expérience variée des techniques photographiques dû à ses différentes approches, ce qui lui apporte une maitrise considérable de la photographie, pertinente pour son art.
Son atelier devient, dans les années 1960, un lieu de rencontre artistique et intellectuel incontournable de Zagreb. Notamment avec le groupe d'artistes EXAT 51 (abréviation de “Expérimental Atelier”), composé d'artistes visuels militant pour la légitimité de l'art abstrait.
Dans cette dynamique, Zagreb s'inscrit alors dans la carte culturelle de l'Europe et l'Atelier de Tošo Dabac voit émerger un mélange d'esprits créatifs.
Peter Dabac, neveu et héritier de Tošo Dabac à sa mort, lui-même photographe, continue de faire vivre l'atelier. Il devient commissaire de la collection, et tient à conserver toute photographie, négatif ou matériel. Donnant aujourd'hui aux archives une importante bibliothèque de l'oeuvre de Tošo Dabac mais également valeur historique sur la ville de Zagreb et la Croatie en général.
Les Archives de Tošo Dabac ont été inscrites en 2002 dans le Registre des Monuments Culturels Croates, et sont aujourd'hui ouvertes au public.
L'une des volontés de ses archives est de perpétuer la mémoire de Tošo Dabac, mais également d’insuffler l'inspiration du photographe dans la même perspective qu'il avait ouvert son atelier 70 ans plus tôt. Car en effet, pour Marina Benažić, il est évident que Tošo Dabac reste encore aujourd'hui un maître de la photographie croate : « De nombreux photographes croates (toutes générations confondues) le désigne comme une grande source d'inspiration et comme un modèle pour leur propre oeuvre. »
Chloë Rebmann