
© Paul-André Coumes
« Partagée entre l'excitation, liée à la découverte où à l'aventure, et l'appréhension que procure le sentiment d'aller se perdre. Toute personne qui part vers les Hautes Combes fait l'expérience de l'un ou l'autre de ces états, ou bien les deux. » C'est ainsi que Paul-André Coumes transporte son lecteur dans le Haut-Jura. Ses photographies dévoilent une montagne époustouflante, des paysages oubliés. C'est la hasard qui a amené cet amoureux de la nature dans la ferme de Laisia. Sa voiture en panne, il est secouru par François Laperrière, Hugo et Yoann. La montagne habitée évoque la vie dans ces lieux rudes, ou il faut s'adapter au temps, au milieu. Il photographie ces habitants de la nature, dans leur combat pour préserver ce macrocosme ainsi que le savoir de leurs ancêtres.
© Paul-André Coumes, Laisia
Ses clichés révèlent un temps oublié, les hirondelles dans les granges, la moisson du foin, la coupe du bois à l’approche de l'hiver. Les hautes-Combes semblent être préservées de la modernisation, de l'industrie. On redécouvre la brume matinale qui émane d'une forêt de pins, un blaireaux dans la neige, un bec-croisé des sapins s'abreuvant dans une tourbière. La montagne habitée est fragmenté en trois chapitres : lesHautes Combes, la douce quiétude hivernale et le temps de l'herbe tendre. C' est un témoignage, la nature est toujours présente mais pour combien de temps ? Un écureuil passant dans la lumière, un crocus à peine éclos. On redécouvre ces lieux préservés de l'urbanisme, ces animaux oubliés. La forêt a accepté la présence du photographe. Jean-Paul Coumes capte des oiseaux en vol comme ce Geai des chênes dans les flocons.
© Paul-André Coumes, Laisia
La montagne c'est également la neige, le froid glaciale, un milieu hostile qui ne laisse aucun répit, pendant ces jours de neige les habitants sont coupés du monde, seuls avec la végétation. Ils se consacrent à leurs bêtes, leurs vaches et chèvres. On découvre que l'homme s'adapte à la nature, l'anticipe se prépare à l'hiver, à affronter la rudesse de la montagne. C'est un retour à la nature, la décroissance. On oublie la télévision, la connectivité perpétuelle. Ici on se réveille à la lumière du jour, on vit au rythme du soleil. L'eau de pluie est stockée dans une citerne, on se chauffe au feu de bois. Les fermiers de Laisia vivent en autarcie, panneaux solaires, citernes, leurs animaux et un jardin. « les fermiers de Laisia ne versent pas dans la nostalgie et encore moins dans le déni de la modernité ; là n'est pas la question. La cohérence, la simplicité volontaire et l'échange demeurent les valeurs fondamentales qui unissent et nourrissent Chloé, Flavie, Hugo, Yoann et François. »
© Paul-André Coumes, Laisia
Paul-André Coumes révèle la fabrication du fromage, de la traite à l’affinage en passant par le caillage. Les brebis de Flavie sont choyées, foin frais, chaleur de l'étable. Les habitants de la ferme de Laisia prennent le temps de soigner leurs bêtes, de ressentir la montagne .Chaque vache possède un nom ce ne sont plus des numéros mais « vadrouille, pimprenelle, bardane... » elles pâturent dans une herbe fraiche. Les poules sont libres, et non compactés dans des usines à viande. Popeye, la chèvre de François, se promène en liberté, il n'y a pas de clôtures ni de barrages. Les photographies sont précises, il capte le vol des oiseaux. Le pic épeiche se nourrit pendant que le rouge queue noir profite des premiers rayons du soleil. Les jours de marché Yoann, se rend à Saint-Claude afin de vendre ses différents formages.
© Paul-André Coumes, Laisia
A l'approche des premiers jours d'été, c'est l'heure de la fenaison. Le foin « l'herbe tendre » est coupé, retourné, séché afin de nourrir le bétail au prochain hiver. A travers ces clichés on peut percevoir l'odeur du foin chaud, observer la rugosité du travail. « Pour le foin, la météo trop variable nous contraint à travailler dans l'urgence. On fane dès qu'une fenêtre favorable est prévue. Ici le temps change très vite. »
© Paul-André Coumes, Laisia
Il y a de l'humour dans le regard de Paul-André Coumes, à l'image de cette photographie d'une chevelure apostrophée « barbotte semble sortir du salon de coiffure », Barbotte ici est une vache.
Les cloches sont alignées sur le mur. Aujourd'hui l'on ne peut plus entendre ce son. Les plaintes répétitives de voisins empêchent les agriculteurs d'utiliser ce tintement, auparavant associé aux vaches.
Un renard passe dans la neige, il contemple le photographe. Actuellement ils disparaissent, les chasseurs en ont fait des proies, celui que l'on redoutait devient peu à peu un souvenir. Il est nécessaire d'être un amoureux de la nature pour capter ces instants devenus rares, être patient, attendre que la chouette de Tengmalm s'éloigne de sa cache. La montagne habitée est une ode à la nature, à la forêt et aux animaux qu'elle recèle.
© Paul-André Coumes, Laisia
Vignette et Photographies © Paul-André Coumes
La montagne habitée par Paul-André Coumes
23,8 x 21 / 192 pages
Editions du Rouergue
33, 50 euros
Louise Leclerc