La maison Européenne de la photographie et les éditions Actes Sud proposent une exposition alliant Images et Musique. Trois photographes Alain Fleischer, Michael Ackerman et Pascal Dusapin, ont composé leurs photographies en écoutant les œuvres musicales de Berg, Britten, Schoenberg ou Warlock. Cette rencontre du son et de la photographie permet au visiteur d’assister à une exposition unique. Pascal Dusapin ne se contente pas de photographier, ce musicien dans l'âme est avant tout compositeur. Michel Onfray raconte : « Pascal Dusapin est un photographe du second monde, un sculpteur de lumière comme il est, dans l’exercice de son métier de compositeur, un sculpteur de temps. »
Le titre Accords photographiques, résonne comme un accord symphonique. Son livre est un format imposant 31,6 x 21 cm, couverture cartonnée, étui noir et blanc, papier granuleux. Il est publié avec l'aide de la maison européenne de la photographie et regroupe les photographies en noir et blanc, prises au cour de ses voyages. Le livre s'ouvre sur son interview « 30 questions à Pascal Dusapin sur la photographie », réalisée par Jean-Luc Pons en 2009.
© Pascal Dusapin
Pascal Dusapin a un parcours de musicien classique, comme il se prête à dire. Après l'apprentissage du piano et de l'orgue, le conservatoire en auditeur libre, il suit les séminaires de Iannis Xenakis. Il écoute du classique de Bach à Betsy Jolas. « Mais ça ne m’empêche pas d'aimer les Doors ». Il compose des musiques de chambre comme « Attaca », des musiques instrumentales d'ensemble, pour orchestre, des pièces symphoniques, des opéras. « Ecrire de la musique est une activité mentale forte et ample, pleine de tensions et de torsions nerveuses. Pour écrire de la musique il faut toujours être concentré au-delà même de ce qui est souvent possible. Alors il faut que tout devienne vide et blanc au fond de soi, sinon le cerveau peine à retranscrire les sons sur le papier. »
© Pascal Dusapin
Il répète continuellement « je ne suis pas un photographe ». Néanmoins la photographie l’accompagne depuis son enfance. « Elle est comme une amie très calme ». « Mon père possédait un Rolleicord 6/6 et un Retina kodak 24/36, c'était un féru de photographie. » Pour lui, cette génération était cultivée en matière d'images, elle connaissait le boitier, la mécanique, « Aujourd’hui il suffit d'avoir un ordinateur pour faire de la photo ». Son père lui a permis d'apprendre à manier l'appareil, comment ouvrir un diaphragme, s'adapter à la lumière, aux mouvements, à la vitesse.
Pascal Dusapin a pu allier ses deux passions dans cette exposition. « Pour ce projet c'est le hasard, les éditions Actes Sud avaient lancé cette collection. Ils ont su que je faisais de la photo donc on a profité de l'occasion. Il n'y a pas de relation entre la musique et mes clichés, il ne faut pas que les visiteurs cherchent un lien. Ce n'est pas en écoutant ma musique qu'ils vont comprendre mes photos. » Le choix du noir et blanc était évident et réfléchi. Pascal Dusapin est un photographe de l'ancien temps. Le numérique et la couleur ne font pas partis de son univers.
© Pascal Dusapin
Il utilise exclusivement un argentique Leica. « Je ne fais pas de numérique. C'est deux façons de voir différentes, avec l'argentique on prépare tout comme la musique. J'écris les notes, je n'ai pas le contrôle, je n'ai pas l'orchestre devant moi. C'est après que l'on découvre ce que l'on compose. C'est différent, le numérique est plus comme un miroir, on peut regarder directement, et supprimer si l'on aime pas. »
Pascald Dusapin est un photographe d'esthétique, bien loin des reporters, il capte ce qu'il perçoit lors de ses déplacements. « Je regarde et puis j'entends calmement quelque chose, mais cette fois je ne l'écris pas. Dans mes photographies il n'y a pas beaucoup de vitesse, à l'inverse de la musique où souvent les choses vont très vite. » Le livre s'ouvre sur un aéroport, Munich en 2010. Une aile d'avion, des passants sous la neige, l'eau d'une fontaine. Il saisit le mouvement, les reflets, la lumière de la pluie, de la nuit. Il photographie tout ce qui capte son attention, le soleil passant à travers les rideaux d'une chambre d’hôtel, la brume matinale, la foule sur une place, l'ombre d'une passante.
© Pascal Dusapin
Il y a peu d'humains dans ses clichés. L'homme ne fait que passer, il n'est pas figé. On observe des formes, des objets abîmés, les lignes d'une route, d'un édifice, la structure d'un lampadaire oublié. Le noir et blanc amplifie les contours, les contrastes. « Le noir et blanc permet ce décalage, on ne peut pas savoir ce qui est photographié, façon de voir d'interpréter. Je n'ai rien contre la couleur mais j'ai un amour du noir et blanc. »
Dans la seconde partie du livre, la nature fait son apparition. Des feuilles tourbillonnant, des arbres en fleurs, un chemin au printemps. Le macrocosme se bat également contre les masses de béton. Pascal Dusapin a une certaine fascination pour l'eau. Il joue avec les reflets. L'argentique apporte du grain à ces images. Ce recueil de photographies permet au regard de se reposer, loin du numérique, des modifications de l'image.
Photographies © Pascal Dusapin
Accords Photographiques de Pascal Dusapin
Editions Librairie de la Galerie
31,6 x 21 x 2,8 cm / 205 pages
54 euros
Louise Leclerc