© André Morain
La Maison Européenne de la Photographie consacre, à partir du mois d'avril, une exposition au photographe André Morain intitulée « Photographies 1961-2012 » qui retrace près de quarante ans de vie artistique parisienne, « Une vie culturelle bien précise. Tout tourne autour de l'art plastique, des sculpteurs, des peintres... », précise le photographe, plutôt minutieux. Pendant des années, et souvent accompagné de sa femme, Carla, André Morain a « bourlingué » dans le monde des artistes parisiens, «le milieu particulier des nombrilistes, qui n'aiment qu'eux, » plaisante-t-il. Rencontre et présentation d'une exposition, avec un photographe qui n'a pas la langue dans sa poche.
« Du plus loin qu'il m'en souvienne, André Morain a toujours fait partie du paysage artistique parisien. »
Guy Boyer
Il est vrai qu'André Morain a toujours fait de la photographie, ou presque. « J'ai 74 ans et je fais des photos depuis 60 ans ». Pour gagner sa vie, le photographe se spécialise d'abord dans la reproduction d'oeuvre d'art, « un travail laborieux », qui déteint sur certaines photos exposées, où il s'amuse à reproduire l'oeuvre avec beaucoup d'humour et de culot.
Pierre Restany, devant "L'Origine du Monde" de Gustave Courbet, 1996 © André Morain
Jacques Prévert, 1965 © André Morain
C'est à force de côtoyer les plasticiens contemporains qu'André Morain s'est armé d'un appareil photo, à la recherche d'une attitude, d'une situation ou d'une rencontre. « Quand vous voyez la photo de Boltanski qui allume sa pipe et Gragg qui allume sa cigarette. Ce qui m'intéressait c'était leur état d'esprit et leur attitude. Ce sont deux monstres de l'art contemporain, qui avaient une certaine attitude à un moment précis ». Depuis, André Morain ne se sépare pas de son appareil photo, continuellement porté à l'épaule, « parfois je change de femmes, ou de maîtresse, mais d'appareil... » Il s'interrompt pour prendre deux amis en photo. « Ça s'est fait... » Ou qu'il soit André Morain est aux aguets, à l'affut de la moindre chose à voir et donc à photographier.
L'exposition est d'une richesse incroyable, complétée par un livre, Présence(s) photographique(s). 50 ans d'art contemporain publié par la MEP et les éditions Nicolas Chaudun, où une centaine de photos rejoignent celles exposées. Dans ses tiroirs, André Morain en a des milliers. Témoin d'une vie culturelle riche, son patrimoine photographique ne l'impressionne – presque - pas. « Ça me chatouille de temps en temps... Mais j'ai envie de continuer. »
Salvadir Dali, 1973 © André Morain
André Morain a photographié les plus grands artistes contemporains, critiques, galeristes, collectionneurs ou politiques. Dans ses pellicules, des photos d'Andy Warhol, Dali ou Jean-Michel Basquiat, avec une proximité incroyable qui serait aujourd'hui bien difficile à retrouver. « Il y a cinquante ans, on disait de quelqu'un qui avait un appareil photo qu'il était un amateur ou un professionnel. Nous étions deux ou trois à faire des photos dans le milieu de l'art plastique. Je pense à Harry Shunk ou Ugo Mulas. Nous étions seuls. Eux-même ne nous connaissaient pas, je faisais ça de manière très discrète. »
Jacques Chirac devant une oeuvre d'Arman, Paris, Jeau de Paume, 1998 © André Morain
François Mitterrand, exposition "Jean Dubuffet, les dernières années", Paris, Jeu de Paume, 1991 © André Morain
Tous sont passés devant l'objectif d'André Morain que ce soit à la Fiac ou lors de vernissages. « J'en ai raté beaucoup, j'en ai réussi pas mal, » résume le photographe avec beaucoup d'humour. Mais pas question de poser, le photographe préfère de loin les photos volées et met l'accent sur la spontanéité. « Même quand vous avez l'impression qu'ils regardent l'objectif, ils sont autre part ». Loin de s'inspirer de qui que ce soit, André Morain reconnaît être lié à des photographes comme Doisneau ou Cartier-Bresson et dont il est de la même génération, quoique plus jeune tient-il à préciser. Deux artistes qu'il a par ailleurs photographié, « J'ai une photo de Doisneau avec Martine, sa femme. Il adorait cette photo parce qu'on ne le reconnaissait pas... Il n'était pas marrant. Il avait horreur qu'on le photographie. Il voulait passer inaperçu... Mais sur la photographie il est avec sa femme, alors il y a une tendresse, il y a quelque chose. On a presque envie de savoir ce qu'ils se disent. »
Henri Cartier-Bresson, Martine Franck, exposition "En France", Paris, Grand Palais, 1970 © André Morain
Brassaï, Robert Doisneau, Paris, Centre Pompidou, 1981 © André Morain
Toutes les photos présentées dans l'exposition ainsi que celles du livre sont en noir et blanc. D'abord parce que la couleur ne lui permet pas de faire le même travail et parce qu'autodidacte, « le noir et blanc a facilité la chose ». André Morain a encore des projets, « après c'est le Guggenheim... mais en passant par le Louvre ! » s'amuse-t-il avant de préciser qu'il finira au numérique. « C'est moins cher ! »
Photographies et vignette © André Morain
Présence(s) photographique(s). 50 ans d'art contemporain / Editions Nicolas Chaudun
André Morain
24x28cm / 288 pages
35 euros
Clémentine Mazoyer