© Laurent Zylberman
Tibet, dernier cri fait partie de ces beaux ouvrages qui amènent le lecteur à réfléchir, mais également à rêver. Ce récit incroyable livre l’expérience rare qu’ont vécu le photographe Laurent Zylberman, passionné par les problématiques liées au territoire, et Eric Meyer, journaliste spécialisé sur la Chine et vivant depuis de nombreuses années à Beijing.
L'ouvrage offre au lecteur un voyage profond au cœur d’un territoire complexe à l’histoire mouvementée. Le Tibet, dont la civilisation antique doit composer avec la modernité, se révèle à travers une série de quarante clichés en noir et blanc. Ces photographies apparaissent comme un miroir de cette société, déchirée par le conflit qui oppose les Tibétains aux Hans chinois. Mais les auteurs, à travers leur propre témoignage et celui des gens rencontrés au cours de leur périple, veulent porter un message d’espoir.
© Laurent Zylberman
© Laurent Zylberman
Pour eux, « L’avenir est dans l’acceptation de l’autre. En mettant en commun leurs ressources, tous pourraient créer les outils d’un avenir commun, intégrant le génie de leurs racines différentes et les contraintes de leur environnement partagé : par exemple, s’inventer des villes sous cloche contre les rayons ultraviolet, produire sous serre des fruits et légumes au goût unique, gorgés de cette eau la plus pure du monde et de 355 jours d’ardent soleil par an, ou recevoir dans un décor de rêve des visiteurs de Chine et du monde entier, pour un tourisme culturel et spirituel unique. Il nous a semblé que c’était cela, le secret du Tibet, à la fois montré et caché : son seul avenir possible. »
Le livre s’ouvre sur un prologue qui explique les raisons d’être de Tibet, dernier cri, puis présente les sujets de l’ouvrage, les Hans et les Tibétains, à travers une anecdote, survenue lors de leur trajet Pékin-Lhassa, et qui en dit long sur l’état de leur relation. Vient ensuite une introduction précisant les conditions de ce séjour au Tibet qui a eu lieu en 2008. Deux semaines durant lesquelles « Mille incidents de ce voyage nous ont tantôt fait rire, tantôt fait grincer des dents. » explique Eric Meyer. Enfin, le récit débute, sous la forme d'un carnet de route, et le lecteur s’y plonge, curieux de découvrir cette aventure unique.
© Laurent Zylberman
© Laurent Zylberman
Les photographies de Laurent Zylberman viennent illustrer un récit fort et singulier. Des paysages naturels à couper le souffle aux habitants du Toit du Monde, le regard du photographe a réussi à capturer l’essence de ce qui fait le Tibet aujourd'hui. D’une part, une lumière que l’on devine crue, une pureté de l’air se dégage certains clichés, une immensité brute baignée de spiritualité. D’autre part, un sentiment de « menace » qui pèse sur Lhassa entre la minorité Tibétaine, la majorité Han et les militaires présents en nombre important. Tout ce petit monde tentant de cohabiter de manière plus ou moins pacifique. Une sensation à la fois de liberté, mais aussi d’enfermement saisi de temps à autre le spectateur.
Le choix du noir et blanc insuffle une puissance et une poésie que ce soit parmi les portraits d’enfants, de moines, de bergers ou bien à travers les beautés de la nature. Ainsi, ces clichés en noir et blanc permettent d’immortaliser ces moments de vie que l’on croirait éternels. Mais surtout, ces photographies reflètent l’aventure humaine rarissime que les auteurs ont voulu faire partager au plus grand nombre en publiant cet ouvrage. Leur maître mot et leur espoir : la réconciliation. « Tibétains et Hans, deux cultures vénérables et antiques, ne se comprennent pas mais ont autant de légitimité et de choses à s’apporter mutuellement. (…) Et nous, visiteurs, témoins, lecteurs, partie tierce, nous pouvons les aider à arrondir leurs angles, en faisant tourner leur miroir d’eux-mêmes sous un angle moins sectaire, réfutant les deux thèses extrêmes, celles de Pékin comme celles de l’entourage du Dalaï-Lama. »
© Laurent Zylberman
© Laurent Zylberman
Le livre se clôt sur une postface très instructive sous la forme d'une interview, puis sur un épilogue qui alarme sur l’évolution inquiétante de la situation actuelle au Tibet. Enfin, viennent les remerciements, nombreux, ainsi que la liste des 222 donateurs. A noter que cet ouvrage, d’une très belle qualité, représente un petit miracle et a vu le jour grâce à la patience et à la persévérance de ces auteurs. En effet, après trois années de rejets, le projet a été présenté sur un site de micro-mécénat. Ainsi, grâce aux dons, le livre a finalement pu être publié simultanément en trois langues et cofinancer la publication des trois éditeurs.
© Laurent Zylberman
© Laurent Zylberman
Par ailleurs, ce projet est remarquable car la moitié des droits d’auteurs sont reversés à deux ONG rencontrées lors de leur voyage.
Tibet, dernier cri reste en mémoire, longtemps après avoir refermé les pages du livre. Il possède une sorte d’aura, de pouvoir magique. Le lecteur se laisse happer par l’aspect humain et sincère qui en émane. Il s’ouvre ainsi à la connaissance de l’histoire du Tibet et de ses habitants. La découverte des photographies laissent également le spectateur songeur et mieux éclairé.
© Laurent Zylberman
© Laurent Zylberman
Tibet, dernier cri / Editions de l’aube
25x25cm / 214 pages
26.90 euros
Lan Macabiau