Le livre débute par l'Histoire de Marseille, ou plutôt l'Histoire du cœur de Marseille : ses quais.
Un de ses quais est central, son nom est remanié à travers les époques, quai des Augustins, quai Rousseau, quai Imperial, quai Monsieur, quai d'Orleans, quai Napoleon, quai de la fraternité, quai des Belges, pour enfin redevenir quai de La fraternité, à l'aube du nouveau millénaire.
L'épicentre de Marseille fascine toute une famille de photographes. Les 156 pages du livre sont parcourues de clichés capturés par divers membres d'une seule et même famille : Fernand Detaille encore en Noir et Blanc, Albert Detaille qui découvre la couleur, et Gérard Detaille qui aujourd'hui publie l’ode à la ville. Il s'agit d'une monographie de cette famille.
© Detaille
Les pages sont blanches, les photographies centrées, malgré l’ascétisme apparent, l'auteur parvient à dresser un portrait de ce lieux entre ivresse, chaleur et déraison marseillaise. Un condensé de soleil en 10 chapitres, qui sont autant de thèmes: « Quai de la fraternité, le bien nommé », par Gérard Detaille. « C'est ici que bat le cœur de Marseille » par Gabriele Chakra. « Quai de la fraternité ». « Gens de mer ». « Commerces et convivialité ». « Marchands et petits métiers ». « Mouvement et convergences ». « Portraits et rencontres ». « Solennités et clameurs ». « Blessures et renaissances ».
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L 'histoire se rejoue, le quai, ses habitants et ce que Madame de Sévigné appelait « un joli tourbillon ». Grâce à la confrontation des clichés, des époques, le lecteur est témoin de l'Histoire en marche : la Canebière est remaniée, la ville est altérée, les cafés changent de nom, les pavés sont remplacés, la modernité vient s’immiscer dans cette vicissitude, mais l'humanité perdure.
Des photographies livrent l’âme de Marseille en couleurs ou en noir et blanc, mais avec toujours avec la même émanation de vie, la même fougue au fil des pages, unique constante au sein de ce mistral de changement.
« Et oui, c'est « ça » le quai de la Fraternité. Où la veine populaire ne se tarit pas, mais où parfois l'on cherche en vain des personnages qui ont marqué le lieu. ». Ernest Zutta, l'ancien patron de la Samaritaine.
Peu à peu, le lecteur découvre que le portrait de Marseille, ses métamorphoses, est avant tout un portrait de son peuple.
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Les Hommes sont l’essence du lieu, les visages, les sourires, les yeux rieurs et fiers. Les méditerranéennes, les marins, les pécheurs tous ayant l'ardeur, l'impétuosité caractéristique du peuple du sud, du peuple de la « cité phocéenne ».
La ville tient son surnom des marins grecs originaires de Phocée qui firent leurs premiers pas dans la cité qu'ils nomment Μασσαλία (Massalía) vers 600 av. J.-C.
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De nombreux peuples débarquèrent sur ce quai. En effet, dès l'Antiquité, Marseille abrite des minorités d'Etrusques, Ligures, Celtes, Salyens, Romains, les Mameluks qui sont ramenés d'Égypte par Napoléon et s'installent dans le quartier du port. Mais aussi les Espagnols, Grecs, Maltais, Levantins...
Et cette étreinte avec les peuples en errance ne tarit pas, aujourd'hui encore, elle perdure terre d'asile de répudiés. Elle est un dénouement pour de nombreux Algériens, Marocains, Tunisiens et bien d'autres communautés qui rencontrent avec elle la liberté.
En effet, si de prime abord le livre semble se concentrer sur la ville de Marseille, le sujet est détourné, ce dont il est question c'est de sa fraternité. Son porte parole, le quai de la Fraternité, évolue dans le temps mais reste fidèle aux êtres.
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Le livre se clôt sur des appels à l'altruisme, manière d’entériner cette romance :
« Depuis ses origines, cette ville est une école de fraternité. » Jean Marc Aveline vicaire général du diocèse de Marseille.
« Marseille est un pays de générosité, de cœur et de poésie d’âmes ; ils reçoivent les poètes en frères, ils sont poètes eux mêmes. » Lamartine.
La lecture consommée, une envie d'entendre « rouméguer » un vieil homme, de sentir le vent marin effleurer les visages, une envie de Marcel Pagnol : « Si on ne peut plus tricher aux cartes avec ses amis, ce n’est plus la peine de jouer aux cartes » Marius et César.
Laura Béart Kotelnikoff
« Quai de la Fraternité »
Gérard Detaille
Texte de Gabriel Chakra
26,8 x 22,6 x 2 cm
156 pages
HC Editions