© stern Fotografie 70 Alison Jackson, distributed by teNeues, www.teneues.com, Photo © 2012 Alison Jackson Productions
Le livre de Alison Jackson nous offre l'apogée des attentes d'un paparazzi, une forme de graal du photographe people:
Le président Georges W. Bush tirant à la carabine sur des portraits de Vladimir Poutine et Hillary Clinton, Ben Laden cherchant entre les rayons d'un centre commercial une teinture pour les cheveux...
Le terme Paparazzi vient d'un film de 1960 de Federico Fellini, La dolce Vita. Dans ce film le héros, Marcello, qui n'est autre que Marcello Mastroianni, a pour compagnon un jeune photographe à l'affût du nom de Paparazzo.
Le terme est aujourd'hui universel et définit le fait de gagner sa vie au dépend de celles des autres, d'être rémunéré en fonction de l'intimité que l'on dévoile, bafoue.
Alison Jackson se fait pèlerin de cette quête, témoin de ces situations qu'aucun paparazzi n'a su capter et qu'elle... met en scène.
Cette artiste issue du célèbre « London Institute » est réputée pour ses photographies de sosies de personnalités. Elle a remporté un BAFTA avec la série BBC 2 et a ironiquement lancé, le 1er Avril 2011, un site en ligne traitant des nouvelles des célébrités.
Mais si l'on peut s'interroger sur le pourquoi d'une telle pratique entre véracité et faux semblant, d'un mensonge qui a revêtu le manteaux de la vraisemblance, cette fois-ci elle ne nous laisse pas dans le doute puisqu'elle y répond dès les premières pages :
« Pour être honnête, j'ai toujours détesté l'effet que créé la photographie, et je pense que c'est la raison pour laquelle j'ai débuté ce genre de travaux.»
Et si les mots ne suffisent pas à comprendre sa démarche, elle illustre ses propos avec un cliché noir et blanc d'hommes, épiant des photographies de Marilyn Monroe, entre perversité et goguenardise.
© stern Fotografie 70 Alison Jackson, distributed by teNeues, www.teneues.com, Photo © 2012 Alison Jackson Productions
En effet, la photographie de tabloïd révèle les plus bas instincts, notre tendance à la curiosité... Alison Jackson nous en offre l'acmé grâce à ses clichés. Elle pointe du doigt certaines actualités et son regard affuté, bien que dépourvu de jugement, devient sarcastique voir ironique :
Brad Pitt et Angelina Jolie dans une foire aux enfants hésitent sur leur prochaine acquisition, Michael Jackson supplicie un nourrisson en le couvrant de rouge à lèvre…
Au delà des sujets, l'utilisation du médium en elle même est proche de la presse à scandale, elle multiplie les flous, les mauvais cadres, le grain…
Tous les attributs des photographies volées sont présents et posent la question de la vraisemblance:
« La photographie tente de nous faire croire en une photo tandis que nous savons parfaitement bien qu'un cliché ne peut jamais dire la vérité tout entière.»
Ainsi, les photographies d'Alison Jackson se font critiques et on peut les envisager tel un pendant moderne des propos de l'auteur américaine Susan Sontag. Dans « Sur la Photographie » celle-ci explique qu'elle est « un savoir au rabais : une apparence de savoir, une apparence de vérité. […] Les sociétés industrielles font de leurs membres des camés dont l'image est la drogue ; c'est la plus puissante forme de pollution mentale ».
Là est l’essence même du livre, « Fotografie 70 » : en le feuilletant on pense avoir entre les mains un recueil de tabloïd dont les gens sont friands, mais il s'agit en réalité d'un appel à la réflexion.
Si une image devait être symbole de ce questionnement, ce serai ce cliché de Marilyn Monroe, nue, les yeux déjà clos, avalant une fiole de ce que l'on sait être un poison. Tout nous pousse à croire en sa vraisemblance mais là est toute la nuance, sait-on avec certitude que la plus belle femme du monde s'est suicidé? Susan Sontag nous rappellerai qu'il ne faut pas se fier au discours photographique.
« Interpréter, c’est appauvrir, diminuer l’image du monde, lui substituer un monde factice de “significations”. »
Alison Jackson quant à elle, utilise la photographie pour le prouver.
© stern Fotografie 70 Alison Jackson, distributed by teNeues, www.teneues.com, Photo © 2012 Alison Jackson Productions
Finalement, le défaut du livre et de ses 96 pages , pour les amateurs de scènes indiscrètes, est peut être de ne pas en offrir assez.
La photographe propose le Zenith de la presse people, mais l'appétit humain peut-il être rassasié?
Laura Béart Kotelnikoff