
Dans son avant propos, Fabiène Gay Jacob Vial annonce d'emblée la ligne directrice des 176 pages composant son manuel :« Rêver d'être un artiste, c'est à la portée de tout le monde. le devenir est bien autre chose. et croyez-moi, si vous avez du talent, si vous avez un don , ou que vous soyez il émergera et vous serez repéré. »
Après avoir définit la profession de photographe, le livre se compose de 9 chapitres: « Photographe, moi? », « Quel(s) marché(s) pour la photographie? », « Quel marché pour « ma » photographie? », « Comportements et usages de commanditaires », « Stratégie et posture professionnelle: Un édifice à bâtir », « Gérer son activité », « Vendre…Codes et usages à exploiter », « Face au client » et enfin « S'appuyer sur un réseau « professionnel » ».
D'une part, tel un conseiller en réorientation, Fabiène Gay Jacob Vial expose la situation périlleuse du photographe et les solutions pour une sortie de crise.
Les chapitres se suivent, ils sont structurés, méthodiques, intelligibles. C'est un livre cartésien avec une ossature apparente, le tout ponctué de cartels détaillants la pensée de l'auteur ou les éléments clefs à retenir. A l'image de la limpidité du livre, on trouve dans la marge les définitions de mots, acronymes ou notions inconnues aux photographes néophytes.
Elle enseigne la formulation d'un positionnement, le fait de se fixer des objectifs à court et moyen termes, mettre en place une stratégie, identifier les moyens déployés, connaitre la rentabilité de son activité, définir un planning d'actions, gérer un projet… En résumé, elle donne un enseignement pour organiser au mieux la concrétisation de nos idées.
D'autre part, tel un psychiatre, elle initie « Le moment de ne plus se cacher derrière une quelconque justification. L'enjeu est de progresser. »
Le mot d'ordre est la remise en question. En effet, c'est pour elle la seule voie pour faire évoluer la connaissance, le point de vue et ainsi nous conduire à de nouvelles prises de positions.
Elle cherche à « brouiller les repères pour mieux les ancrer ou en changer s'ils 'avèrent négatifs. »
Il s'agit véritablement d'un manifeste du métier de photographe et des sphères qui l'entourent, une notice comparable à celle accompagnant l'appareil. Mais, elle va au delà, c'est une véritable thérapie de recentrement : Savoir ou l'on est afin de déterminer où l'on va.
L’intelligence du livre réside en la bonne compréhension d'un métier éloigné de la sinécure. En effet, il est nécessaire d'assimiler la triade du quotidien précaire d'un photographe: l’interférence entre la réalité artistique, la réalité commerciale et le marché
La troisième dimension devant faire face à l’hermétisme de la profession, or « il faudra bien passer par cette étape ».
Ainsi, riche de sa formation en communication globale assortie d’une spécialisation en marketing puis en marketing politique, sociologie et psychologie, Fabiène Gay Jacob Vial transforme la nature économique de la situation en rapport humain : « vendre, c'est tout simplement le fait de faire adhérer à une proposition. ». La vente devient un partenariat.
Elle identifie chaque acteur et nous le présente de telle sorte que fort de cette connaissance le photographe devient maitre de la situation.
Et l'auteur couronne le tout par une ronde de conseils comportementaux qui vont du ton de la voix jusqu'à la manière de s’asseoir.
Cette « Bible du photographe » est ponctuée par la récurrence d'une phrase : « C'est la même chose pour la photographie ». Fabiène Gay Jacob Vial entrevoit le métier de photographe comme n'importe qu'elle autre profession nécessitant de pénétrer la sphère du marché du commerce pour être viable.
« Créer et gérer une activité de photographe. Trouver sa spécialité et en vivre ! » cherche à mettre à mal ce que l'auteur appelle "la débrouille"et qui caractérise la pratique des photographes professionnels.
Elle conclut en exprimant le fait que pour elle la précarité de ces professionnels de l'image est due à l'absence de passerelle entre la pratique alimentaire et la pratiques artistique personnelle. L'imperméabilité entre ses deux mondes provenant de l'origine de la commande : l'autre et soi-même. Mais finalement, Rimbaud ne disait-il pas : « Je est un autre » ? L 'auteur nous initie à courtiser ces deux quidams.
Laura Béart Kotelnikoff