© Olivier Föllmi
Homme à la triple origine française, suisse et italienne, Olivier Föllmi se passionne rapidement pour les voyages et la découverte d’autres cultures. A l’âge de 17 ans, il part en Afghanistan en tant que guide de montagne. Une bourse lui est accordée, avec pour nécessité de ramener des photographies de son voyage : « sa grande aventure » commence alors. Lui qui « bricolai(t) des images par-ci par-là en tant qu’amateur (se) découvre une grande passion pour la photographie ».
Après un autre voyage en Inde, il part en Himalaya où il trouve sa voie : sa vocation de photographe humaniste se marie parfaitement à la culture tibétaine qu’il apprend à connaître et aimer pendant une vingtaine d’années. Suite à cette expérience, il travaille avec sa femme Danielle sur un projet commun, Les sagesses de l’humanité : elle écrit les textes, qu’il illustre par ses photographies. « Ce projet a duré 7 ans, mais j’ai un peu souffert du manque de temps qu’il me laissait : le concept était de proposer 365 photographies par an, sur des pensées que je ne connaissais pas, d’un continent que je ne connaissais pas et que je n’avais pas le temps de découvrir à cause de la nécessité d’amener les photographies. Après ce projet, j’ai donc eu envie de calmer le jeu, de revenir à mon travail photographique, tout en m’intéressant à un autre besoin, celui d’écrire. Je suis alors parti en Islande pour me lancer dans l’écriture : endroit peu touristique en plein été, je me disais que les grands paysages ne pourraient que m’inspirer ». Ces paysages l’interpellent tant, qu’il n’écrit pas une ligne : instinctivement, il sort son appareil photo (un Canon 5D) pour capter ces paysages. Il expose ce travail assez rapidement, avant d’en proposer un livre d’une beauté à couper le souffle, intitulé Le Bal de l’Univers aux éditions de La Martinière.
© Olivier Föllmi
Le concept de ce livre est intéressant : « ce qui m’a interpellé en Islande, c’est l’impression de vivre l’univers devant mon fourgon avec les marmites bouillonnantes, des fumées qui sortaient de terre, les vagues qui explosaient contre la grève, le vent qui rugissait : l’Islande m’est apparu comme un concentré de l’univers ». D’où une tripartition qui s’est mise en place, qui structure ce livre en légitimant son concept : trois phases, « création, destruction, renaissance ». A l’échelle miniature, l’Islande démontre qu’une apocalypse écologique ne changera rien à l’existence de ces trois phases, du moins pour la nature : la force qui se dégage des paysages islandais est telle qu’elle trouvera toujours un moyen, tel un phénix, de renaître de ses cendres. Ainsi, aux touches de lumière de la naissance du monde dans la première phase, se succèdent l’ombre, la noirceur, le brouillard dans un second temps, avant qu’une touche de vert, couleur de l’espoir, se fasse puissance dans une dernière phase de l’ouvrage.
Mais en parallèle de la renaissance de cette grandiose nature, l’homme, qui était déjà peu présent dans les premières photos, finit par disparaître des clichés. Olivier Föllmi veut ainsi montrer que « même si on calcine cette terre, la nature reviendrait au bout de quelques centaines, milliers d’années. Par contre, l’homme disparaitrait. C’est l’être vivant le plus fragile. Si l’homme veut avoir une conscience de pérennité pour les années à venir, il doit préserver la nature parce qu’il dépend de cette nature. Je veux montrer que l’homme est un invité provisoire sur cette terre. Sa survie ne dépend que de lui. Ce n’est pas la planète qu’il faut sauver, c’est l’homme qu’il faut sauver. »
© Olivier Föllmi
Olivier Föllmi prend plaisir dans le cadrage de ses photos : chaque détail a une importance cruciale. Le photographe confie ainsi « appartenir à la vieille école de la photographie argentique, dans laquelle on n’avait pas l’habitude de retoucher ses images. Je ne dénigre pas ceux qui travaillent avec Photoshop, mais pour moi, on n’est plus photographe mais infographe. Ce qui m’intéresse personnellement, c’est ce qui se fait à la prise de vue : si je suis un photographe attentif, je vais cadrer mon image comme je le veux, attendre la bonne lumière. Une, deux, peut être trois images ont besoin d’être prises, pas plus. Je n’aurai pas la satisfaction d’avoir réussi mon image si je la retravaillais. »
© Olivier Föllmi
Dans Le Bal de l’univers, savoir que ces images ne sont pas retouchées est d’autant plus frappant pour le spectateur : il fait face à des paysages époustouflants, presque lunaires, et pourtant ils existent bel et bien, ce qui prouve les ressources inouïes de la nature.
Les textes qui accompagnent les images ancrent également le livre dans le réel, avec les extraits poétiques mais sans emphase d’Hubert Reeves. « J’apprécie énormément Hubert Reeves, j’ai toujours un livre de lui sur moi, comme c’était le cas quand je suis parti en Islande. Il a sa manière d’exprimer l’infini, je me suis dit que mon travail photographique n’avait de sens que par rapport à ses textes ». D’ailleurs, si Olivier Föllmi souhaite montrer un concentré de l’univers, il paraît cohérent qu’il s’inspire de nombreux autres arts pour rendre compte de l’univers artistique dans son ensemble. En plus du recours à l’écriture, le photographe avoue « être un grand fan de la peinture flamande et s’en être beaucoup inspirée. La musique est également l’une de mes sources d’inspiration : je vois parfaitement une musique sacrée sur mes images, du Vivaldi ou du Mozart. »
© Olivier Föllmi
Cet ouvrage prouve que le Magazine Life a eu raison de consacrer Olivier Föllmi en juin 2008 parmi les 50 photographes phares du monde. Son expérience de la planète et son approche altruiste en font un des photographe-baroudeur les plus intéressants et complets de la photographie contemporaine. Il se sert de cette légitimité pour répandre l’espoir autour de lui : espoir en la nature dans cet ouvrage, ou espoir pour les jeunes photographes dans l’un de ses précédents ouvrages, Conseils pour un photographe voyageur. Olivier Föllmi a ainsi souhaité conclure cette chronique en clamant : « certes, être photographe est difficile, il a toujours été dur de percer dans ce beau métier. Mais chacun a sa part de succès dans la vie, et le mérite. Il faut rester fidèle à soi-même sans faire trop de compromis en vendant ses photos à 20 euros pour se faire une place dans le métier, mais surtout, il faut persévérer. Si on se lance dans la photographie, c’est qu’on a une sensibilité qui nous permettra d’affirmer son talent au fur et à mesure et de vivre de cette magnifique passion ».
© Olivier Föllmi
Le Bal de l’univers – Photographies d’Olivier Föllmi, Textes d’Hubert Reeves
285 x 185
Editions de La Martinière
25 euros
Claire Barbuti