© Martial Lenoir
Martial Lenoir s’est mis tard à la photographie, et a d’abord travaillé comme photographe de mode, et portraitiste.
C’est pourtant un thème bien plus personnel qu’il présente dans cet ouvrage étonnant et original. Le photographe a imaginé une loge et y a mis en scène des artistes-effeuilleuses. Martial Lenoir nous raconte ici une histoire, et nous ouvre les portes des coulisses de son cabaret imaginaire, le Grand Jeu.
Martial Lenoir est photographe mais c’est également un conteur d’histoires. Ses parents possèdent une librairie de BD qui lui a probablement donné le goût de l’imaginaire, et de la fiction racontée en images. Son livre, « la Loge des rats », ne montre donc pas une réalité dans laquelle il se serait introduit, mais plutôt sa vision personnelle, tout comme ses rêves et ses fantasmes. Tout est donc mis en scène de manière artificielle, comme si ces jeunes filles étaient les actrices de l’imaginaire du photographe. Et pourtant, afin de révéler un univers sans y perturber les petites âmes qui s’y agitent, n’y a t-il pas mieux que de le récréer en toute confiance et pudeur ? Dans la préface du livre, Juliette Dragon (créatrice et metteur en scène du Cabaret des Filles de Joie ainsi que directrice artistique du Palais Burlesque festival) écrit : « Dans ce contexte, en tant qu’artiste-effeuilleuse New Burlesque, ce que j’apprécie particulièrement dans le travail ici présenté par Martial Lenoir, c’est qu’il n’est pas venu « squatter » des backstages pour dérober l’image d’artistes en pleine concentration, non, il a créé sa propre loge, il a réuni ses modèles, il a osé mettre en scène ses fantasmes et, par là-même, mettre en beauté ces demoiselles, les mettre en lumière avec subtilité et poésie ».
© Martial Lenoir
Même si Martial Lenoir présente des femmes qui s’apprêtent et se font belles, ses modèles sont probablement bien différents de ceux qu’il a eu l’occasion de côtoyer, en tant que photographe de mode. Ici, ce sont des physiques et des corps qui correspondent à des critères de beauté qui ne sont pas les mêmes. Les femmes pulpeuses n’hésitent pas à se dénuder, et Martial Lenoir capte la fébrilité de ses sujets.
Sur les clichés de cet ouvrage, les jeunes femmes sont censées se concentrer et faire preuve de timidité, mais c’est parfois de la tristesse que l’on peut percevoir sur leurs visages. De plus, le spectateur est troublé par cette luminosité grisâtre et le teint pâle des photos. En effet, lorsqu’on évoque le burlesque et le cabaret, on songe inévitablement aux paillettes, aux couleurs, aux sourires. Autant de choses qui ne sont que légèrement présentes dans les photographies de Martial Lenoir. Néanmoins, lorsque l’on s’intéresse à sa démarche, il semblerait que ce soit précisément là que se situe la volonté du photographe. La quatrième de couverture explique : « Sur scène, strass, bijoux et paillettes… mais la réalité est ailleurs… ». Le souhait de Martial Lenoir est donc bien de montrer la face cachée de cet univers, avec ses défauts et ses travers. Sans oublier que c’est de sa propre interprétation qu’il s’agit, puisque tout est mis en scène de manière fictive.
© Martial Lenoir
Tout le paradoxe de cet ouvrage est donc bien là. Chaque détail est préparé, calculé, étudié, et pourtant, les clichés et les sujets sont d’un naturel rare et déconcertant. Une jolie façon de rendre hommage à toutes ces artistes aux multiples visages, et bien souvent si incomprises.
© Martial Lenoir
Adèle Latour
La Loge des rats de Martial Lenoir
Disponible sur libgribouille@orange.fr
27 euros