©Robin Hammond, agence Panos pour le Prix Carmignac Gestion
Un photojournaliste engagé
Robin Hammond est un photojournaliste néozélandais free-lance de 37 ans. Maintes fois récompensé, notamment lauréat à quatre reprises du prix du reportage humanitaire d'Amnesty International, il a été choisi pour la troisième édition du Prix Carmignac – Gestion du photojournalisme. Ce prix international finance un reportage de plusieurs mois sur un thème proposé, en prise directe avec l'actualité.
Robin Hammond s'est toujours servi de la photographie pour défendre les droits de l'homme : ses nombreux reportages ont mis en lumière les atteintes mentales, les violences sexuelles ou encore les famines dues aux catastrophes naturelles et aux guerres. Il a en effet exposé sa série sur « la santé mentale dans les pays africains en conflit » cette année lors de la 24e édition de Visa pour l'image à Perpignan.
Dans le cadre de son travail de photojournaliste, il s'est rendu dans plus de 50 pays.
C'est en 2007 qu'il visite pour la première fois le Zimbabwe. Il est tout de suite interpellé par la situation actuelle de ce pays. Alors que l'élection de Robert Mugabe en 1980 avait apporté l'espoir après un régime d’Apartheid, le pays s'est peu à peu effondré économiquement. Des licenciements, des fermetures d'usines, une montée du chômage ont compliqué les conditions de vie des zimbabwéens, d'autant plus que le régime de Mugabe les prive de leurs droits, de toute liberté en exerçant une violence de plus en plus forte.
© Robin Hammond, Panos Pictures, pour le Prix Carmignac Gestion du photojournalisme
Robin Hammond est retourné séjourner dans ce pays de décembre à mai 2012, le prix Carmignac lui permettant « de réellement passer du temps (au Zimbabwe) » afin de « pénétrer plus loin et plus profondément que jamais dans le pays pour enfin raconter son histoire et toutes les souffrances endurées par son peuple ».
Dans un premier temps, il se rendait tôt le matin dans des lieux choisis (usines désaffectées, camps de torture en ruine, …). Rapidement repéré, il ne pouvait rester que pour une courte durée : pas évident pour Robin Hammond qui aurait préféré avoir plus de temps pour s'imprégner de chaque endroit.
Face à l'absence de traces matérielles, il a changé sa méthode : il a choisi d'interviewer des témoins avant d'en faire le portrait, chaque rencontre étant bouleversante et riche en enseignement sur les répercussions du régime de Mugabe sur la population.
Ce reportage, Robin Hammond l'a fait au péril de sa vie. Il a d'ailleurs passé 26 jours en prison. A ce jour, il est toujours interdit de séjour au Zimbabwe. Pourtant, il est bien loin de regretter son voyage tant il aime ce pays, et surtout sa population si chaleureuse.
Ce travail, intitulé « Le nom de vos plaies sera silence » est exposé à la chapelle de l'Ecole des Beaux-Arts de Paris, du 9 novembre au 9 décembre 2012. Il confie : « Si j'ai de la chance, 2000 personnes verront l'exposition, ce qui est assez dérisoire en soi. Le photojournalisme seul ne peut faire changer les choses, mais inclus dans la dynamique permise par les médias, les situations peuvent évoluer, comme on l'a vu récemment en Chine ou avec le printemps arabe ». Espérons donc que cette belle exposition éveillera des consciences pour que le pays ait un avenir moins sombre.
Claire Barbuti
© Robin Hammond, Panos Pictures, pour le Prix Carmignac Gestion du photojournalisme
L'exposition de la chapelle des Beaux-arts
Située dans la chapelle de l'Ecole des Beaux-arts, l'exposition de Robin Hammond, « Le nom de vos plaies sera silence », bénéficie d'une très belle présentation. L’atmosphère et la lumière du lieu portent à merveille les photographies du lauréat du Prix Carmignac. Une certaine sérénité réside dans la chapelle, et celle-ci se marie très bien à la dureté des clichés de Robin Hammond. Dans le calme, les spectateurs peuvent donc prendre le temps de s'imprégner de chacune des nombreuses photographies.
Il est assez difficile de définir le caractère d'une série comme celle-ci. Il peut sembler paradoxal de déclarer que les photographies sont d'une rare intensité et beauté, alors qu'elles dévoilent l'horreur et la misère. Néanmoins, il n'y a pas de meilleure façon de décrire le travail de Robin Hammond. Beaucoup de ses clichés ne peuvent que marquer, voire choquer, mais la douceur du lieu aide à garder l'esprit clair et donne libre cours à la réflexion.
La mise en scène construit un parcours au travers des grands tirages de Robin Hammond, et laisse toujours la surprise du cliché suivant. Le début de l'exposition présente les images que le photographe a directement saisies sur le terrain, sans établir de mise en scène, et se mettant parfois en danger. Au fond de la chapelle, des clichés éclairés sont présentés à plat, sur une petite plate forme. Il s'agit de ceux que le photographe néozélandais a pris dans une voiture, alors qu'il parcourait les sublimes terres du Zimbabwe. Ces images sont assez étonnantes, et plus que jamais prises sur le vif, et dans une sincère authenticité.
© Robin Hammond, Panos Pictures, pour le Prix Carmignac Gestion du photojournalisme
Enfin, le parcours se termine dans une petite salle. Celle-ci présente les portraits que Robin Hammond a réalisés à la suite de longues conversations avec ses sujets. Le spectateur se retrouve donc au cœur de ces photographies en fond noir, qui forment un arc de cercle tout autour de la pièce. Les images saisissent alors le visiteur qui se trouve complètement absorbé par ces visages. Chaque portrait raconte l'histoire d'une vie entravée par les difficultés et le désespoir, mais est toujours d'une grande intensité. Robin Hammond s'excuse presque du côté déprimant de son travail, mais espère néanmoins que celui-ci touchera et ouvrira de nouvelles réflexions.
© Robin Hammond, agence Panos pour le Prix Carmignac Gestion
A travers cette exposition, Robin Hammond nous ouvre ainsi les yeux sur une réalité souvent oubliée ou négligée. Il n'hésite pas à photographier la dureté du mal qui ronge le Zimbabwe, mais ne se rend pas pour autant coupable de voyeurisme. Tous ses témoins ont conscience de sa présence, et acceptent parfois même de poser. L'oeil de Robin Hammond n'est pas malsain car il ne montre que des images utiles, aussi choquantes soient elles.
Robin Hammond mérite bien le prix que lui a décerné la fondation Carmignac, et ouvre le débat sur le rôle du photojournaliste dans la société d'aujourd'hui. Ses photographies méritent toute une réflexion, et sont remarquablement bien exposées dans la chapelle de l'Ecole des Beaux-arts.
Adèle Latour
©Robin Hammond, agence Panos pour le Prix Carmignac Gestion