
© Andrew Esiebo
Le Projet des Résidences de photoquai
Depuis 2008, le musée du quai Branly organise un concours valorisant le travail de photographes non-occidentaux, et ainsi l'échange de cultures. Le projet est chaque année soutenu par la fondation Total, pour qui il semble important d'encourager les arts des pays dans lesquels la société se développe.
Le Quai Branly insiste sur ce point, le but de ce projet est bien de faire dialoguer les cultures. Ainsi, seules les candidatures des photographes non-occidentaux sont acceptées, et ceux-ci doivent développer une idée qui favorise cet échange. Le jury se base ensuite sur l'originalité, la faisabilité, et l'intérêt du projet proposé.
Les candidatures débutent tous les ans en janvier. Les photographes constituent alors un dossier détaillant leur démarche. Puis, c'est au début de l'été qu'un jury composé en grande partie de membres du Quai Branly, mais aussi de galeristes, de membres de la fondation Total, ou encore d'autres personnes du monde culturel et artistique, choisit les lauréats de l’année. C'est alors que ces derniers peuvent commencer à travailler sur leurs projets pour lesquels ils disposent d'environ un an. Cette année, le jury avait choisi des photographes provenant des quatre coins du monde : Hugo Aveta (Argentine), Lek Kiatsirikajorn (Thaïlande) et Che Onejoon (Corée du Sud).
Andrew Esiebo, Pride
Alors que les lauréats 2012 se mettent au travail, les gagnants de 2011 présentent actuellement leurs images au Quai Branly. Celui-ci en fait une sélection qui entre ensuite dans les collections du musée. La semaine dernière c'était donc au tour du nigérien Andrew Esiebo de montrer le résultat de son projet Pride.
© Andrew Esiebo
Andrew Esiebo commença à travailler sur cette idée en 2009. Il s'agissait pour lui de voyager en Afrique de l'Ouest et d'y rencontrer les différents barbiers et coiffeurs. Il constata que ce milieu dévoilait une certaine culture africaine et une certaine vision du monde. La coiffure est également une part importante dans la construction identitaire masculine africaine. Ce domaine revêt donc une dimension sociale qu'Andrew Esiebo voulait étudier, et montrer en photographies. Il s'est donc rendu dans sept pays (Bénin, Ghana, Côte d'Ivoire, Libéria, Mali, Sénégal, Mauritanie), et est resté longtemps dans les salons, à y observer les gens et à discuter avec eux. Andrew Esiebo explique d'ailleurs : « Je ne dirais pas qu'il était difficile de m'introduire dans les salons, néanmoins j'ai passé beaucoup de temps à discuter avec les gens, et à expliquer ma démarche. Ils n'ont pas l'habitude que l'on s'intéresse à eux, et il n'était pas évident pour eux de comprendre le but de ce que je faisais. Mais en général tout se passait bien. Je prenais mes photos, puis je leur montrais, et alors ils parvenaient davantage à saisir le sens de tout ce projet ».
© Andrew Esiebo
Andrew Esiebo s'est également intéressé aux décors dans lesquels évoluent les coiffeurs et leurs clients. C'est alors que sur certains clichés, l'on peut apercevoir des photos d'Obama, mais aussi des affiches déclarant « Osama killed », ou encore des photos de Kadhafi. Les grandes stars afro-américaines telles que le rappeur 50-cent ou la chanteuse Rihanna sont également présentes. Toutes ces figures emblématiques, exposées dans les salons, sont donc souvent révélatrices de courants de pensées qui peuvent être très différents d'un pays d'Afrique de l'Ouest à un autre. Les modèles afro-américains viennent aussi perturber la culture africaine traditionnelle. En effet, les exemples de looks qu'ils inspirent aux coiffeurs africains sont bien loin de ceux des modèles traditionnels.
© Andrew Esiebo
Avec ce projet original, Andrew Esiebo nous ouvre les portes d'un univers qui peut paraître simple et quotidien ,et nous prouve qu'en réalité celui-ci revêt des dimensions culturelles et sociales très importantes en Afrique de l'Ouest.
© Andrew Esiebo
Les 12 photographies que le quai Branly a sélectionnée parmi les centaines qu'Andrew Esiebo lui a proposé, sont à présent entrées dans les collections du musée. N'hésitez donc pas à vous y rendre pour les découvrir, et participer ainsi à cette célébration de l'échange de culture qu'instaure le Quai Branly.
Adèle Latour
© Andrew Esiebo
© Andrew Esiebo
Vignette et photos © Andrew Esiebo