© Collectif Argos.
En 1965, Jacques Windenberger publie La photographie, moyen d'expression, instrument de démocratie dans lequel il développe une théorie de l'information-participation. Photographe documentaire, il est convaincu que les protagonistes photographiés ou filmés lors de reportages doivent avoir un rôle central : donner leur avis pour enrichir la perception de l'artiste.
Ses théories ont inspiré le collectif Argos. Crée en 2001, ce groupe de dix journalistes vise à témoigner des mutations du monde contemporain. Après s'être intéressé aux conséquences du dérèglement climatique dans Réfugiés climatiques réédité en 2010, le collectif se focalise sur la vie quotidienne des Français dans Gueule d'hexagone.
© Collectif Argos - Gueule d'hexagone.
Suite à leur parcours au cœur d'une France peu touristique, ces rédacteurs-photographes ont axé leur regard sur six problématiques, chacune introduit par un cliché de Jacques Windenberger : la désindustrialisation à Charmes (Vosges), la solidarité entre footballeurs à Fos-Sur-Mer (Bouches-du-Rhône), l'embourgeoisement des centres villes à Marseille (Bouches-du-Rhône), alimentation durable à Plozévet (Finistère), l'identité à Saint-Paul-sur-Ubaye (Alpes-de-Hautes-Provence) et la diversité des communautés à Sarcelles (Val d'Oise).
© Collectif Argos - Gueule d'hexagone.
La couverture, d'un rouge criard, capte immédiatement l'attention du spectateur .
C'est dans ce même style « tape-à-l'oeil » que se développe le contenu textuel : entre jeux de mots douteux et registre à la limite du familier, le but du collectif Argos n'est clairement pas de faire de la grande littérature.
L'objectif affiché est tout autre : changer la perception d'une certaine France dénigrée, et surtout améliorer leur situation. Gérard Mordillat l'atteste dans sa préface : « le pas vers le futur est évidemment de transformer le monde, de le transformer déjà par l'écrit, par le regard, de ramener à la réalité les indifférents, les cyniques, les méprisants ».
© Collectif Argos - Gueule d'hexagone.
Une constante se dégage ainsi de l'ensemble des clichés : la mise en avant de l'humain. « Gueule d'Hexagone veut être une expérience pratique de démocratie pour voir ensemble le réel dans sa complexité » clame le collectif Argos. Ainsi, en amont, les journalistes-photographes avaient tenu à faire collaborer le public en ayant recours à un financement participatif. Pendant leur enquête, ils ont cherché à découvrir et comprendre la vie quotidienne des habitants. Dans leur choix des photographies retenues, la population est toujours présente. En aval, Gueule d'Hexagone se déclinera à partir de l'automne 2012 en une exposition itinérante afin d'aller à la rencontre des Français (dont un détour à la manifestation Art Chartrons du 18 au 28 octobre 2012).
Cependant, rien de novateur ne transparait de l'objectif des photographes. Ce n'est pourtant pas faute d'essayer puisque l'ouvrage réunit des photographies totalement hétéroclites, du gros plan au plan d'ensemble, du grand format au petit instantané, … Ce mélange des genres, qui peut dérouter le spectateur, correspond à la démarche du collectif Argos : déstabiliser le public pour mieux le faire réagir.
© Collectif Argos - Gueule d'hexagone.
Contrairement à leur précédent ouvrage Réfugiés climatiques qui avait un fil rouge, le collectif Argos se disperse dans ce nouveau livre Gueule d'hexagone. A vouloir traiter trop de sujets qui préoccupent les Français, il perd la possibilité de se focaliser sur chacun d'eux à leur juste valeur, même s'il gagne en capacité d'intéresser un public plus large.
C'est peut-être la seule solution que le collectif a trouvé pour être, comme il le souhaitait au moment de leur formation, « un laboratoire qui cherche à repenser la réalisation, l'écriture et la diffusion de ses projets dans un univers médiatique en pleine révolution ».
© Jacques Windenberger.
Gueule d'hexagone, Collectif Argos
288 pages – 18 x 24
Editions Intervalles
32 euros
Claire BARBUTI