
© Bich10, Christophe Lefébure.
Titulaire d'un maîtrise d'histoire, Christophe Lefébure joint ses aisances littéraires à ses qualités photographiques pour faire partager son amour du patrimoine français.
Son premier ouvrage, La France des lavoirs, publié aux éditions Privat en 1995, a reçu le Grand prix littéraire de tourisme. Par la suite, il continue de s'intéresser à des lieux et des coutumes vestiges d'une France traditionnelle en passe de disparaître à cause du progrès technique et de l'urbanisation croissante.
Après s'être passionné pour les boutiques d'autrefois, les châteaux familiaux ou encore les épouvantails, il publie en septembre 2012 Un café à la campagne. Les photographies suivent au fil de l'oeuvre l'histoire de ces cafés, anciens lieux de partage, de socialisation rurale en voie d’extinction.
Christophe Lefébure s'efface immédiatement pour laisser la place à ces cafés, et surtout à ceux qui les font vivre. Des photographies de plusieurs de ces gérants défilent sous les yeux du spectateur, alors qu'ils posent devant leur établissement, fiers de les présenter et désireux d'accueillir chaque personne qui le souhaite. De ces images, une constante se dégage : ces tenanciers sont très accueillants. « L'endroit est rustique, mais ô combien chaleureux » affirme Christophe Lefébure.
Une série de photographies qui se ressemblent par leur sujet et leur cadrage ; et pourtant, à travers chaque commerce transparait une histoire différente, personnelle. Le spectateur pénètre dans ces lieux de vie, où toute une mémoire se dégage. Selon le proverbe populaire, les murs ont des oreilles : ceux qui nous sont présentés doivent avoir entendus bien des propos partagés autour d'un verre ou d'une partie de cartes.
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© Guer, Christophe Lefébure.
Les photographies, sans aucun artifice ou retouche par une quelconque technique moderne, témoignent de leur ancrage dans un temps passé. D'ailleurs, de nombreux symboles du temps qui passe se glissent dans ces clichés : le spectateur attentif peut percevoir certains prix encore en francs, des gros plans sur des tables vides, ou encore de nombreuses horloges d'antan, parfois flouée pour signifier cette frénésie temporelle qui caractérise notre ère contemporaine.
De plus, l'objectif photographique de Christophe Lefébure n'hésite pas à se focaliser uniquement sur les noms des établissements. Or, ces derniers témoignent de la relation entre les cafés et activités aujourd'hui moins pratiquées, telles la chasse ou la pêche.
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© Sport, Christophe Lefébure.
Si les cafés campagnards ont connu leur apogée au 19e siècle, les horreurs de la guerre et le mode de vie urbain a peu à peu raison d'eux. Les clients photographiés sont d'ailleurs tous du « troisième âge », aucune image d'une nouvelle génération qui pourrait prendre le relai.
Pourtant, l'ouvrage milite pour leur survie en les mettant ainsi en avant, et va plus loin en proposant une solution : pour Christophe Lefébure, il est surement temps pour eux de se moderniser. Ainsi, il laisse une place aux gérants qui ont su s'adapter, en les photographiant dans leur café aux multiples activités, devenu également épicerie, boulangerie, …
De même, il n'hésite pas à se positionner contre les idées qui fourmillent dans l'esprit populaire ou à la tête de l'état : selon Christophe Lefèbure, ces lieux ne sont pas un lieu de violence, où les scènes d'ébriété sont monnaie courante. Il l'écrit explicitement : « On boit, c'est vrai, mais surtout on parle ». Le photographe renforce ces mots par le calme qui se dégage de ses images, ainsi que par le choix de ne montrer que très peu d'alcool.
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© Vie, Christophe Lefébure.
Dans une société pleine de « croissance destructrice » selon les propos de Schumpeter, où chaque nouveauté est rapidement balayée par une autre, Christophe Lefébure nous propose dans son ouvrage Un café à la campagne de faire une pause en savourant ces instantanés plein de nostalgie. Malheureusement, il ne parvient pas à entraîner totalement le lecteur-spectateur, avec ce sujet qui a déjà été trop usé. Christophe Lefébure, contrairement à son ouvrage unique sur les épouvantails, manque d'une dose d'originalité dans ce nouveau livre.
Un café à la campagne, Christophe Lefébure
144 pages – 19 x 24
Editions Rouergue
25 euros
Claire BARBUTI