La caravane de yacks trace son chemin au dessus de Langar © Matthieu Paley.
Matthieu Paley est un grand passionné des lieux reclus. Après plus de douze ans passés en Asie, il s'est récemment établi avec sa femme Mareile et ses enfants à Istanbul. Ils ont alors pu finaliser un projet qui leur tenait particulièrement à cœur, auquel ils se consacrent depuis une dizaine d'années : un ouvrage sur un peuple qui les ont touchés, les Kirghizes du Pamir Afghan.
Matthieu Paley a révélé être venu à la photographie « par envie, envie de voyager et découvrir des lieux qui (le) fascinent depuis longtemps » : lors de l'un de ses voyages, il découvre cette région reculée, à plusieurs semaines à cheval du village le plus proche. La dernière visite hivernale d'un Occidental dans le Petit Pamir remontait à 1972, alors que Mathieu Paley n'était même pas encore né.
Des felles Wakhies puisent l'eau à la source chaude de Sarhad © Matthieu Paley.
Le spectateur découvre dans cet ouvrage tout d'abord des paysages à couper le souffle. Ils occupent l'ensemble des premières pages, transportant instantanément dans un onirisme total. Il est alors inconcevable de penser que quelqu'un puisse vivre dans ces décors à la fois lunaire et paradisiaque.
Et pourtant, très vite, le photographe propose de partir à la rencontre de cette population, de ces quelques 800 âmes vivant là. Comme un journal de bord, Matthieu Paley propose de suivre le parcours de son voyage avec sa femme au Pamir : lui s'occupe de partager ses photographies, elle fait passer ses sensations par des textes, en collaboration avec l'ethnologue Ted Callahan, spécialiste de cette région. L'osmose entre les deux médiums est totale, chaque mot répondant à la perfection à chaque image.
Brûlée par le froid, Marbet, 7 ans, rentre à la maison après avoir rassemblé les moutons de son père © Matthieu Paley.
Matthieu Paley a confié : « Ce qui m'inspire quand je photographie, c'est la lumière avant tout ». Dans cet ouvrage, il joue particulièrement avec toutes les nuances de l'éclairage, renforçant le blanc immaculé des paysages en les prenant en pleine lumière du jour ; alors que les terres rocailleuses sont assombries par des nuages. Ce contraste enchante les yeux des spectateurs.
Matthieu Paley utilise également la lumière pour mettre en avant les visages des habitants, à l’instar de ses modèles Roland et Sabrina Michaud. Les portraits, cadrés en plan rapprochés voire même en gros plan, prouvent l'amour que le photographe porte à ce peuple. On peut lire sur ces visages à la fois la souffrance puisque l'isolement, le froid suprême rendent les conditions de vie très délicates ; mais pourtant, ces visages montrent aussi la satisfaction d'avoir préservé la tranquillité de leur terre. Ce qui est d'autant plus notable dans cette partie du monde, si proche de géographiquement de toutes les violences qui secouent l'Afghanistan, et pourtant dans un quotidien et un état d'esprit si différents.
Haji Roshan, fils préféré du regretté Abdul Rashid Khan © Matthieu Paley.
Un an après son ouvrage Dans les roues de Jack Kerouac, Matthieu Paley nous invite de nouveau à partir sur les routes avec lui pour découvrir cette fois le peuple du Pamir. Si le spectateur le suit volontiers à la découverte de cette communauté, il lui arrive pourtant parfois de se sentir un peu voyeur, comme si la place de la photographie ou de toute intrusion occidentale était déplacée dans ce « toit du monde ».
Er ali Bai a échoué dans la tentative d'élever des poulets. A 4200 mètres d'altitude, l'entreprise était risquée ... © Matthieu Paley.
Pamir, Oubliés sur le toit du monde, Matthieu et Mareile Paley
256 pages - 28 x 24,5
Editions de La Martinière
39 euros
Claire BARBUTI