
©Non à la guerre
«La guerre qui afflige avec ses escadrons le Monde
est le type parfait des errements de la philosophie.»
Ainsi parlait Fernando Pessao au sujet d'une des absurdités les plus significatives de la nature humaine.
« Non à la guerre» ce n'est pas, comme son titre pourrait le laisser penser, ce genre d'ouvrage un peu démagogique dont l'édition sert aussi peu efficacement le propos que la fleur au fusil du soldat. C'est avec plus de 170 illustrations et 120 poètes que ce livre, placé sous la direction d'Erhan Turgut, propose plutôt un tour d'horizon littéraire et pictural de l'expérience de la guerre. Le tout est classé de façon chronologique, choix nécessaire à l'aisance du parcours.
Poètes connus et méconnus livrent un chant auquel fait écho une impressionnante série de clichés. La démarche va cependant bien au-delà puisque le rendu fournit au lecteur une véritable mine d'informations qu'exposent les notes explicatives apposées à chaque photographie. Un éclairage est par exemple fait sur le fameux bourbier balkans du début du XXème siècle. On apprend également que la guerre de Crimée a vu la première la création de services photographiques au sein des armées.
©Le Point : Gare de l'Est, Paris
©Le Point : 1918
L'ensemble soulève la question de la pérennité des conflits par une large exploration historique du phénomène puisqu'elle s'étend de la guerre de Crimée à la guerre d'Irak. Le choix du point de vue des clichés rend l'interrogation d'autant plus douloureuse : civils, adultes et enfants, simples soldats et plus haut gradés y sont figurés comme les pièces infortunées d'une guerre qu'ils subissent avec la violence que l'on peut s'imaginer.
©AFP : Mars 1949, Paris, France
De violences nous n'en avons d'ailleurs que la suggestion car la ligne éditoriale fait le choix intelligent de contourner l'exposition de l'horreur. L'esthétique relève de cette façon davantage du genre dramatique : la gravité de la prise de vue est amplifiée par l'intensité des regards, postures et gestes.
©H.A/Sipa Press Août 1974, Kyrenia, Chypre
Le livre, sans doute motivé par la dispense de toute conclusion démobilisatrice, s'achève sur une présentation des divers mouvements pacifistes ainsi que du symbole de la colombe. Cependant, comme l'entend Erhan Turgut dans sa brillante préface : « On ne fait pas la guerre avec de bons sentiments. La paix non plus.» C'est dans l'esprit de cette phrase que l'on termine le parcours de l'ouvrage : éveillé et alerte.
©Behrouz Mehri, AFP : octobre2001, Makaki, Afghanistan
©Scott Nelson, AFP : Juin 2001, Jérusalem, Israël
©Première de couverture Non à la guerre
Axelle Deconinck