En avant première, Actuphoto vous présente Visages du XXe siècle : 100 portraits de célébrités d'Ara Güler, le célèbre photographe turc d'origine arménienne, surnommé « l'oeil d'Istanbul ». Ce livre édité aux Editions du Pacifique, sortira début mars et propose en 100 portraits une véritable chronique culturelle du XXe siècle.
Génie de la photographie, Ara Güler est un photojournaliste qui a débuté sa carrière en 1950 au journal Yeni Istanbul. En 1958, lorsque Time ouvrit un bureau en Turquie, il fut le premier correspondant au Proche-Orient pour ce magazine. Photojournaliste hors-pair il publia dans les années 1960 des reportages pour les magazines les plus célèbres : Stern, Paris-Match ou encore The Sunday Times. Par ses rencontres avec Henri Cartier-Bresson et Marc Riboud, dont il a fait les portraits dans son livre Visages du XXe siècle, il fut encouragé à rejoindre l'Agence Magnum qu'il quitta quelques années plus tard.
Portrait d'Henri Cartier-Bresson © Ara Güler
En tant que photojournaliste et grand reporter, Ara Güler a voyagé et photographié un grand nombre de pays. Il est ainsi parti en Iran, au Kazakhstan, en Inde, au Kenya, en Nouvelle-Guinée, ou encore Bornéo. Mais il est resté surtout très attaché à sa ville, Istanbul, qu'il a photographié dans ses moindre recoins.
Ara Güler est aussi connu et reconnu en tant que photographe portraitiste. Au fil de sa vie, il a eut la chance de rencontrer une ribambelle de célébrités qu'il a soigneusement immortalisé grâce à son appareil photo. C'est cette partie de l'histoire de ce grand photographe âgé aujourd'hui de 83 ans que le livre Visages du XXe siècle : 100 portraits de célébrités, se concentre.
Construit comme un dictionnaire de portraits, les célébrités sont classées par ordres alphabétique. Les portraits ne se ressemblent pas, gros plan, pose, image fugitive, plongée, contre plongée... toutes les formes de portraits sont utilisés par le photographe. Tous ces clichés ont été pris en noir blanc, ce qui nous plonge dans une autre époque. De Picasso à Sophia Loren, de Dali à Hitchcock, de Tennessee à Sieff, tous les plus grands noms du XXe siècle sont ici représentés. Auteur, metteur en scène, réalisateur, écrivain, photographe, architecte, sculpteur, acteur, homme politique, peintre, cinéaste, pianiste, compositeur, ingénieur et créateur de ballet, Ara Güler nous rappelle ces hommes et ces femmes qui nous ont marqués pour le plus grand plaisir de nos yeux. Les 100 portraits sont accompagnés de quelques lignes qui expliquent les circonstances de la rencontre entre Ara Güler et la célébrité photographiée tout en soulignant la personnalité de celle-ci, un moyen efficace pour le lecteur d'imaginer la scène de la rencontre et de la rêver.
« L'intention d'Ara Güler est de définir non pas l'identité formelle du sujet, mais sa nature intime, son être essentiel, ce point ineffable qui unifie le moi (…) « La collection présentée ici n'est pas seulement un choix de visages remarquables et célèbres ; c'est aussi, en un sens, une chronique de notre culture du XXe au XXI e siècles, chronique des hommes et des femmes qui ont façonné notre imaginaire par les mots, les formes, les sons et les images. (…) En contemplant les visages dont Güler a fait le portrait, nous reconnaissons les yeux qui nous ont appris à voir, les mains qui nous ont appris à toucher, les lèvres qui nous ont prêté le vocabulaire grâce auquel nous pouvons réfléchir à ce que nous sommes et où nous sommes aujourd'hui ». Alberto Manguel
Ici, dans les portraits qui constituent ce livre, Güler a sélectionné des sujets riches. Cette collection de portraits de personnalités est un vrai « arche de Noé de la culture internationale ». Les photographies sont toutes dotées d'une grande justesse. Ara Güler photographie avec humanisme, sérieux et humour ces grands noms de la culture. Chacun y trouvera sont bonheur et chacun y trouvera ses préférences.
Pour vous donner un aperçu de ce livre aux 100 facettes, voici les portraits de prédilection d'Actuphoto :
© Ara Güler
Cette photo de Maurice Béjart (créateur de ballets) a été prise au théâtre royal de La Monnaie à Bruxelles lors d'une répétition. Elle dégage une énergie époustouflante, quasi bestiale, animale. Regard de fauve, manches retroussées, Maurice Béjart reflète une certaine puissance, une envie brute de créer avec perfection son nouveau ballet peut-être. Une photo magique qui regorge d'émotions.
© Ara Güler
Splendide ! Maria Callas (cantatrice grecque) est absolument magnifique, une beauté à couper le souffle. Et quelle photo ! Le cadre est magique, la pose sublime et naturelle et la composition parfaite.
Ara Güler explique qu'il n'a pas reconnu immédiatement la cantatrice. « A travers mon objectif, j'ai aperçu cette superbe femme en train de se maquiller. Je n'ai pas tout de suite réalisé. Ce n 'est qu'en revenant à terre et en développant ma pellicule que j'ai compris. Mais bien sûr, c'est la Callas que j'avais prise en photo ! Depuis des mois, tous les magazines évoquaient son idylle avec Onassis sans avoir aucun document à se mettre sous la dent. Dès la semaine suivante, Life, Stern et Paris Match publiaient mon document à la une ! »
Alexandra Lambrechts (journaliste)
© Ara Güler
Sur cette image, Elia Kazan (metteur en scène et romancier américain) semble timide, presque gêné. Comme un homme qui a trop l’habitude d'être derrière plutôt que devant les projecteurs. L'homme de cinéma apparaît simple, humble, fixant l'objectif qu'il connait si bien.
© Ara Güler
A l'opposé, le "baron" Edward Durell Stone (architecte américain) en impose. Débonnaire, distant, il a cette élégante condescendance qui force inconsciemment le respect. Le port de tête et de cigarette mais aussi son trois pièce très classy, donne à cet homme âgé un charisme de jeune premier.
Mathieu Brancourt (journaliste)
© Ara Güler
Cette image de l'auteur Arthur Miller m'évoque celles de sa femme, Inge Morath, photographe de l'agence Magnum envoyée sur le plateau des Misfits en 1961. Les deux se rencontrent sur ce tournage, dont il a écrit le script pour son épouse d'alors, Marilyn Monroe. Ici paisible dans un jardin, les yeux à demi cachés derrière ses lunettes et son visage sec de tortue, ancré dans une chemise épaisse et un peu sale, Miller incarne un moment de la vie artistique américaine du XXème siècle, un nœud de passions et de talent à agiter la société qui l'entoure.
© Ara Güler
Je ne connais pas Paul Samuelson (économiste américain) et ne comprend que superficiellement les mécanismes économiques. Mais ce que je vois ici c'est un esprit en marche, dont l’effervescence est soulignée par une composition en plongée presque cartoonesque : les traits de craie au tableau, le fourmillement d'équations, un nœud papillon et des lunettes austères encadrant un regard sûr, rapide, intense. Beau défi pour le photographe que de capturer les forces de l'esprit.
Antoine Soubrier (rédacteur en chef)
Editeur: Editions du Pacifique
Prix: 29,50 euros
Nbre de pages: 240
Parution: Mars 2012
Alexandra Lambrechts, le 17 janvier 2012.