Commençons par saluer la collaboration entre la galerie lyonnaise Le Bleu du Ciel et les éditions Deux-Cent-Cinq (voir leur site : http://www.lebleuduciel.net/html/accueil.htm et http://www.editions205.fr/) : le format à l'italienne de Female/Male, son cache bleu en couverture et la solidité du papier légèrement brillant proposent un rapport original aux images de Tom Wood.
Des choix d'édition qui rendent justice aux penchants de l'artiste, arrivé à la photographie par l'apprentissage de la peinture conceptuelle et le visionnage intensif de films conceptuels, jamais vraiment à l'aise avec l'étiquette de "photographe documentaire". Pourtant, depuis le milieu des années 70, Tom Wood est le "photie man" (l'homme photographie) de Liverpool, celui s'est fondu dans ses rues, dans ses bus (All Zones Off Peak - 1998), au milieu de sa population, jamais abordée avec la distance du compère Martin Parr mais sans qu'on puisse pour autant parler "d'affection" pour ses sujets.
© Tom Wood
Tom Wood circule du noir et blanc à la couleur, du large au gros plan, des personnages aux décors, à tel point qu'il est d'abord difficile de savoir ce vers quoi va son oeil. Puis émerge l'idée du titre : ouvrant sur des images de femmes, tour à tour nues ou habillées, jeunes et vieilles, noires et blanches, le livre va ensuite - et l'image d'un cheval sautant par dessus une barrière semble bien marquer la séparation entre ces deux phases - chercher les hommes sur leur lieu de travail, roulant des mécaniques en groupe, regardant des films pornos dans le salon. Le livre progresse de la jeunesse vers l'âge adulte, en alternant images d'hommes et de femmes, mais sans jamais réunir les deux. Avec un art distillé du portrait et l'accès à des moments volés, Tom Wood nous montre les classes populaires d'une ville d'Angleterre où l'on finit tous avec le même pull à la maison de retraite, et en filigrane une curieuse absence de l'autre genre. Mondes cloisonnés en apparence, ce qui confère à tous les sujets du livre, au fur et à mesure des relectures, une troublante impression de solitude, et à l'ouvrage une fragilité bienvenue pour l'extraire du poncif documentaire.
© Tom Wood
Antoine Soubrier, le 2 janvier 2012