© François Vogel
A l'heure du tout numérique et de la technologie de pointe, François Vogel, inventeur d'appareils photos et fabricant de caméras virtuelles nous fait découvrir son univers artisanal d'inventions et d'explorations photographiques. Le Nouveau Traité du Sténopé nous invite à redécouvrir une façon simple de faire de la photographie sans objectif. Pour les fins connaisseurs et passionnés de sténopé, François Vogel explique minutieusement la construction de son étonnante collection d’appareils photographiques inédits à perspective inversée, parallèle et perpendiculaire ainsi que ses œuvres de jeunesse.
Collages, montages, recyclages, objets divers et variés, lames de rasoir, boites à pellicule, boites de chocolat, paquets de cigarette, lego... avec de simples outils François Vogel construit ses sténopés.
A la fois artiste et chercheur, « il joue avec notre regard, manipule notre perception du réel et nous plonge de l'autre côté du miroir, dans son propre palais des glaces. « Le Nouveau Traité du Sténopé » est une invitation à redécouvrir l'art minimal de la photographie ».
©François Vogel
Décrit par Jean-Michel Galley* comme « un cosmonaute de l'image », l'oeuvre du photographe « est le travail d'un expérimentateur qui se nourrit de l'air de rien du quotidien, l'air de ne pas toucher terre avec une facilité déconcertante d'épouser l'espace pour nous y laisser flotter. Pour mieux s'expliquer il est remonté en enfance. Petit, arrivant en famille face à Notre-dame de Paris il est tombé par terre en cherchant à tout voir d'un coup. Vision ou figure en tourbillon, il ne savait pas qui il était mais il savait déjà où il le deviendrait. Tout autour de lui, sans jamais s'attarder aux limites de son corps en cours de libération, le « qui suis-je ? » avait disparu dans la valse d'un parvis de l' « où suis-je ? ». Cette expérience de la chute des corps lui a confirmé que le meilleur moyen d'être quelque part est d'y être, partout à la fois. Pour cela François cherchait un oeil qui puisse voir en tous sens, comme en apesanteur. Du même coup il lui fallut trouver comment fabriquer cet œil au centre. Son premier chemin fut justement le sténopé, qui lui permit d'emblée de ne pas être derrière ou devant une caméra, mais d'être quelque part au cœur des images. Le sténopé devenait alors le premier véhicule de l' « où suis-je ? », la fusée de François cosmonaute des images ».
©François Vogel
Grâce au sténopé, François Vogel a su trouver sa manière de percevoir le monde. Il apprivoise la lumière, les formes et l'espace. Transformant à sa guise le monde réel, il le déforme, le manipule, le froisse, le dédouble, le quadruple, l'arrondi et le maltraite avec génie. « Le sténopé est loin d'être l'effet du hasard. Le surgissement de l'inconnu est orchestré, l'anamorphose est conçue les yeux fermés dans un vol de nuit ». Renouant avec la lenteur et le temps de pose, la pratique du sténopé permet de revenir à une technique expérimentale de la chambre noire, une technique malheureusement de plus en plus rare. Le numérique ayant supplanté cette dernière. François Vogel nous fait découvrir un univers passionnant, il nous donne envie, envie de lire son livre jusqu'au bout et envie de créer son propre sténopé pour découvrir à notre tour les joies de la technique photographique.
©François Vogel
Le Nouveau Traité du Sténopé explique en détails les expériences du photographe illustrées par des photos de son impressionnante collection d'appareil et de croquis explicatifs. Dans sa collection on retient son sténopé conique à raccord parallèle qui permet de mettre l'espace en boucle. « Chaque épreuve est tirée en double et les deux tirages montés en tête-bêche se raccordent parallèlement de sorte que l'espace est comme multiplié par deux ». Le sténopé 360° omnidirectionnel permet de combiner quatre photos les unes aux autres formant une vue panoramique de tout l'espace sur 360° dans tous les sens. Le résultat est bluffant, on se retrouve face à une mosaïque, un carrelage de photos, c'est surprenant. Des types de sténopés il y en a des dizaines, le but n'est pas de les énumérer tous, on vous laisse le plaisir de les découvrir vous-même.
©François Vogel
François Vogel invite également les lecteurs à découvrir un portfolio de photos. Sa série sur les portraits de touristes à Paris réalisé en 1996 lors du plan vigipirate offre un parcours à la fois ironique et angoissant d'une période de psychose où le moindre recoin de la ville devenait une cachette potentielle pour une arme terroriste. « Ces plaques d'égout, poubelles et autres bouches d'aération se déforment et grandissent à travers la vision singulière du sténopé, elles déploient leurs sombres et menaçants tentacules autour des clichés anodins des touristes posant devant les monuments. Le traitement plastique de ce sujet est aussi l'occasion d'une réflexion sur l'image. Ou se trouve la normalité dans la représentation photographique ? Qu'y a-t-il en dehors du cadre de l'image ? »
©François Vogel
Le Nouveau Traité du Sténopé est un livre à découvrir absolument. A la fois initiatique, explicatif et illustratif il nous plonge vers un monde de recherches et d'expérimentations quasi-surréalistes qui nous permet de voyager dans l'univers singulier de ce génie des appareils photo : François Vogel. Je ne peux que vous conseiller se merveilleux livre édité aux éditions Eolienne.
Alexandra Lambrechts, le 8 décembre 2011
* Jean-Michel Galley : jeune photographe, il est cofondateur et responsable de l'association Oscura qui développe depuis plus de 20 ans un travail d'apprentissage de la photographie sténopé pour tous les publics.