365 Days : A Catalogue of Tears est la dernière série photographique de Laurel Nakadate, jeune photographe et vidéaste américaine. Depuis sa sortie de l'université de Yale, elle explore les stéréotypes liés à son identité féminine nippo-américaine. Jouant de son corps de jeune « Lolita » malgré ses 36 ans , elle est connue pour pousser à l'extrême les fantasmes des spectateurs masculins. Sans tabous, sans complexes, Laurel Nakadate est célèbre pour ses reportages provocateurs, audacieux et originaux. On retient entre autre ses reportages où « elle s'introduit chez des hommes qui l'abordent dans la rue, la plus part du temps des vieux garçons chauves et bedonnants, pour danser avec eux une chorégraphie de Britney Spears ». En 2006 dans sa série « I want to be the one to walk in the sun », elle voyage dans l'Amérique des « truckers ». Au programme, hôtels de passe de la Nouvelle Orléans, stations services de l'Iowa et séance de « pole dance » (traduit danse à la barre verticale) dans un parking désert.
Dans ce dernier travail, 365 Jours : un catalogue de larmes aux éditions Hatje Cantz, elle explore la souffrance et expose une année de sanglots, soit 365 jours de pleurs photographiés en couleur. De quoi nous remonter le moral. Mais comment cette idée saugrenue lui est-elle venue ? « J'ai eu cette idée en remarquant que sur les réseaux sociaux comme Facebook ou Myspace, chacun feint d'être heureux tout le temps. On ne s'en rend probablement pas compte mais chaque jour on prend des photos de nous avec nos portables, des autoportraits que l'on poste ensuite sur les réseaux sociaux. L'idée qu'un autoportrait devait montrer le bonheur m'a interpellé. J'ai voulu me détourner délibérément du bonheur pour participer à la tristesse. C'est ainsi que j'ai conçu ce projet ».
© Laurel Nakadate
Ainsi durant une année, Laurel Nakadate s'est forcée à éprouver de la tristesse chaque jour. Son but, verser au moins une larme et l'immortaliser en photo. Un projet surprenant, original et intéressant mais malheureusement décevant. Feuilleter les 365 pages du livre se révèle d'un ennui mortel. Toutes les photos se ressemblent, elles sont de mauvaise qualité, voire de très mauvaise qualité. Prises avec un vieux Canon, les photos de Laurel Nakadate sont des clichés amateurs. Absence de cadrage, mauvaise mise au point, problème d'exposition et de luminosité, les clichés de cette photographe pourtant « au dessus du lot » comme le souligne le critique Jerry Saltz, sont d'une qualité médiocre d'un point de vue technique et esthétique.
© Laurel Nakadate
Autre point négatif, qui pour ma part dissout totalement la crédibilité de son travail, c'est la présence constante et non justifiée de la nudité. Nue ou à moitié habillé dans une chambre d'hôtel, sur un lit, dans une salle de bain ou à l'air libre, elle se photographie dans des positions quelque peu compromettantes. Alors certes « plus exhibitionniste que Madonna en concert et encore plus faussement innocente que Britney Spears dans le clip de « Oops I did it again » », cela ne nous empêche en rien de nous interroger sut cette utilisation prédominante de la nudité. Que cela signifie t-il ? Est-ce un moyen de montrer la souffrance dans toute sa pureté et sa sobriété ? Si c'est le cas, l'expérience n'est pas concluante.
© Laurel Nakadate
Connue pour son audace et sa provocation qui a jusqu'ici été traitée avec humour, dérision et talent, je pense notamment aux clichés qu'elle a pris de ses petites culottes ou strings fouettés par le vent en dehors des fenêtres de train. Le sujet était cocasse, original et les photos de bonne qualité. Or dans 365 Days : a Catalogue of Tears, la nudité n'est en rien justifiée et masque la volonté primaire de l'artiste : interpréter la souffrance. Après avoir feuilleté les 365 pages de ce livre, je me suis dit « qui est cette fille égocentrique et narcissique ? », pire encore, à la moitié du livre je n'ai pu m'mpêcher de penser :« Par pitié arrêtez de « chouiner » et rhabillez-vous ! ».
La redondance des clichés pose également problème. Certaines photos sont jumelées, voire triplées ou quadruplées. Souvent dans un même espace : son appartement devant une grande fenêtre, elle se photographie dans des positions quasi similaires. Seule la couleur de ses sous-vêtements diffère.
Vous l'aurez compris, ce livre édité par Hatje Cantz n'a pas réussi à me conquérir. On attend néanmoins le prochain sujet de Laurel Nakadat qui, on l'espère, sera plus professionnel mais tout aussi original que les autres. Après tout, depuis 2005 lors de son exposition « Love Hôtel and other stories », à la galerie Danziger Projets à New York, Laurel Nakadate connait un grand succès. Repérée par le New York Times, Village Voice et Flash Art, elle a déjà exposé au Getty Museum de Los Angeles, à l'Asia Society de New York, au Musée Reina Sofia à Madrid et à la Biennale de Berlin. En ce moment se tient une rétrospective des dix ans de son œuvre, intitulée « Only the Lonely », au MOMA à New York. De quoi faire des envieux et sécher ses larmes.
Alexandra Lambrechts, 17 novembre 2011.