Si l’ambiguïté des relations entre le surréalisme et la publicité ne semble pas reposer sur des questions de personnes ou de générations, elle peut en revanche s’expliquer par la chronologie. C’est dans les années 1920 et 1930 que la fascination des surréalistes pour la publicité s’exprime le plus ouvertement. Celle-ci s’inscrit alors dans une prédilection plus large pour les graffiti, les décors de fêtes foraines, les dessins des fous ou des médiums et les diverses formes de cette «culture populaire» dont Eluard considérait qu’elle était la plus extraordinaire source de «poésie involontaire».
…/…
C’est durant cette première période, où la photographie publicitaire ne s’est pas encore constituée en discipline professionnelle, où tout reste encore à inventer, que des photographes d’horizons divers, et dont ce n’est pas particulièrement la vocation, s’essaient à la publicité. Plusieurs photographes proches du mouvement surréaliste tentent ainsi leur chance. Et ça marche… ça marche même trop bien.
Leurs images sont remarquées, leurs idées bientôt imitées. Très rapidement, les innovations techniques proposées par les surréalistes, telles que la solarisation, le photogramme ou le montage dialectique intègrent la panoplie des effets auxquels chaque photographe publicitaire peut avoir recours pour répondre aux impératifs de sa commande. Au-delà des techniques, les idées surréalistes sont également de plus en plus couramment utilisées par la publicité. Après la guerre, le surréalisme est déjà un style parfaitement assimilé par une photographie publicitaire qui est désormais l’affaire de professionnels.
C’est en fait à partir du moment où le surréalisme devient un standard publicitaire, un nouveau «poncif» selon Hugnet, que les surréalistes eux-mêmes délaissent cette activité pourtant lucrative et commencent à exprimer leur exaspération à son égard. Au sein du mouvement, la publicité d’inspiration surréaliste aura en somme été victime de son trop grand succès.