©SOBOL
Une évidence saute aux yeux quand on entre dans l’espace quasi-sylvestre – et totalement métamorphosé – de stimultania : la photographie respire dans les livres.
Plus de cent noms – présentés à travers des objets bibliophiliques et des ouvrages de référence – sont déployés dans l’espace du pôle de photographie. Un parti pris inventif pour un credo porté haut et fort : défendre une photographie sans distance frileuse, vive et écorchée, une photographie debout, en prise avec l’homme. A l’heure où la matérialité de l’image est prônée comme l’un des axes forts d’éducation, où les commissaires s’enhardissent à monter des expositions de photographies de pochettes de vinyles, il paraît légitime d’affirmer un credo à travers des objets-livres. Extraits en grande partie de la collection d’Alain Kaiser, ces livres originaux, terribles et percutants, provoquent un plaisir rare.
La plupart des photographes présentés à travers les livres n’ont jamais été vus à Strasbourg mais le propos n’est pas là. dans l’exposition, le regardeur est confronté non seulement au livre, avec sa matérialité, le velours de sa couverture, le grammage de son papier, le craquement de ses feuilles, mais aussi à la double page mise en forme, au dialogue des images, au choix de l’éditeur. Les membres du conseil de programmation ont cherché à dégager des lignes de force, tant dans le choix des auteurs et des images que dans la conversation des doubles pages. Que révèlent les deux images pachydermes pleines pages de Sobol édité chez Actes Sud si elles côtoient les quatre fragments de genoux et d’os de Sergio Larrain chez Aperture ? les vocabulaires sont aussi vastes que le paysage
photographique et apportent à ce dernier un formidable bol d’air.
Ici, la spécificité du médium est traitée à travers trois ouvrages : « la photographie, un grand guide en relief » chez Albin Michel, « Miroslav Tichy » au Centre Pompidou, « this book is a camera » de Kelli Anderson. Là, pour défendre une autre ligne du credo qui prône la photographie comme un enjeu politique, une double page « une poétique de l’engagement » de Willy Ronis, puis « Burke et Norfolk » de Simon Norfolk, « Vietnam » de Labbé ou « Berlin » de Depardon. C’est sur différents registres – portraits, images cultes... – que se déploient les réflexions solidaires du conseil de programmation. Invitant à suivre la logique de cette expérience on ne peut plus originale, cette exposition ne prétend pas raconter la photographie ; elle cherche et célèbre une création plus hétéroclite qu’homogène.
Céline Duval
©SERGIO LARRAIN