TOILETPAPER MAGAZINE / Maurizio Cattelan & Pierpaolo Ferrari
Michel Tournier avait dû, ce jour-là, tremper sa plume au creux d'un bain photographique. L'un des membres du trio fondateur, avec Clergue et Rouquette, s'en est allé rejoindre son compère Lucien. Probablement qu'à l'heure actuelle, les deux se baignent à poil dans une mer en noir et blanc.
La 47e édition des rencontres d'Arles est dédiée à l'écrivain. Et que nous promet-elle ? Après une conférence de presse arlésienne hier, la parisienne avait lieu ce matin au Ministère de la Culture, diffusée en direct live sur les internets du monde entier. On a pu ainsi apercevoir la nouvelle ministre Audrey Azoulay trottiner et s'asseoir, un poil en retard, sous des applaudissements aussi mous qu'obséquieux. Hubert Védrine, le président, était là, tout comme le maire d'Arles Hervé Schiavetti et le directeur artistique Sam Stourdzé qui, pour la deuxième année consécutive, a su nous mettre l'eau à la bouche. Plus qu'hier, et sans doute moins que demain.
Bon alors, sans se mentir, il y a eu toute cette partie inintéressante de remerciements aux partenaires publics et privés, aux gentils mécènes qui font passer leur passion avant la défiscalisation. Trop sympa les mécènes ! Et en gros, ce qu'il fallait retenir côté organisation, c'est le projet de la nouvelle Ecole Nationale Supérieure de la Photographie et la "petite délocalisation" d'Arles dans trois villes voisines : Nîmes, Avignon et Marseille.
Côté programme. Riche comme une choucroute et raffiné comme une soupe de tellines. Le mélange pourrait être indigeste. On pense qu'avec un peu de rosé, ça passera plutôt bien. Pour vous la faire courte. On se réjouit du retour de la street photography avec une rétrospective Sid Grossman ou un dialogue entre le grand Winogrand et le vivant Ethan Levitas.
Coney Island, Sid Grossman 1947
Il y aura un détour à faire du côté des western camarguais. Si si. Des cow-boys à l'accent du sud qui cavalaient le long du Rhône dès 1905. Western camembert versus western spaghetti (c'est pas de nous le jeu de mots, c'est Stourdzé). A cheval, ou plutôt à pied, Bernard Plossu, longtemps absent d’Arles, reviendra y montrer ses western colors. Son Nikkormat équipé d'un seul objectif 50 mm. Si si.
« Ils sont jeunes, ils sont danois et ils croient aux extra-terrestres ». Euh d'accord. Sara Galbiati, Peter Helles Eriksen et Tobias Selnæs Markussen sont partis sur les traces des extra-terrestres et exposent leur travail dans la catégorie « Monstres & co. ». A voir aussi : les figures masquées japonaises de Charles Fréger. Du Japon à l'Afrique, il n'y a qu'un pas (ou un vol de soucoupe volante), avec « Africa Pop » qui a choisi de mettre en valeur la créativité africaine, loin des clichés misérabilistes. Hâte de voir Swinging Bamako - l'histoire de sept jeunes Maliens envoyés à Cuba pour apprendre les rythmes cubains – et de déchirer son soutien-gorge avec Tear my bra, les images de l'influence du Nollywood sur la photographie.
© Charles Fréger
Mejishi, Ogi, Sadogashima, préfecture de Niigata.
Dans un autre genre, les nouvelles approches documentaires s'annoncent vraiment passionnantes. De l'histoire de la misogynie de Laia Abril à l'opération Condor de João Pina, Arles sort son épingle du jeu dans le traitement photographique de l'actualité. Le « Après la guerre » réunira d'ailleurs quatre expositions dont celle de Yann Morvan et son encyclopédie des champs de bataille. Non loin de lui, Don McCullin, le grand photographe de guerre, fêtera ses 80 ans.
Ce sera sûrement le moment de se resservir un rosé...