Mais bref. La question faussement naïve - et néanmoins subtilement allusive à la littérature et au théâtre, spéciale dédicace à Virginia et Edward - « Qui a peur de YellowKorner ? » nous est venue en observant la multiplication des ventes de tirages d'auteurs sous la forme de séries de plus ou moins grandes cartes postales.
Lundi dernier par exemple, http://marges.revues.org/345. Au menu : du Robert Capa, de l'Elliot Erwitt, du Steve McCurry ou du Raymond Depardon, entre autres. Ce qui est amusant, c'est que finalement Magnum surfe presque sur la même vague que YellowKorner : la mise à disposition à un plus grand nombre d'amateurs de véritables « œuvres d'art ».
Or, les clichés en question, s'ils sont bel et bien le fruit de créateurs doués et reconnus, ne sont naturellement pas numérotés et ne relèvent donc pas du statut de « tirage original » (et ne sont donc pas à proprement parler des « oeuvres d'art »). Ce dernier, http://marges.revues.org/345, ne concerne en effet que des photographies prises par l'artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus (article 98 A du CGI). On est évidemment ici loin des 30 exemplaires ou d'un tirage personnel de l'artiste - rendu particulièrement compliqué pour ceux qui sont décédés – puisque les clichés sont tous traités numériquement par Magnum.
C'est que le numérique a tout envoyé balader ! Pour le pire comme pour le meilleur. Il est loin le temps où certains photographes brûlaient leurs négatifs une fois les 15 ou 30 tirages effectués. À la fin de sa vie, le fils d'Edward, Brett Weston, les a tous brûlés : autant dire que les tirages restants ont acquis une valeur incontestable et font de lui d'office un photographe d'enchères. Magnum aurait-elle au moins le mérite de proposer aux acheteurs une alternative à Drouot ou à YellowKorner ? N'est-ce pas là une initiative louable ? Ne pourrait-on pas pousser un peu au niveau du format ? La carte postale, c'est un peu le timbre poste de la photographie : on n'y voit quand même pas grand-chose...
Et dans l'histoire, qu'en est-il des photographes ? Comment s'en sortent-ils ? En 2009, un photographe décidait lui aussi de brûler ses négatifs. Mais pour d'autres raisons que Weston. Jean-Baptiste Avril–Bodenheimer voulait protester contre le sort réservé à sa profession. Car comme le rappelait Pierre Assouline : « http://marges.revues.org/345»