« Crowdfunding ». Littéralement « financement de/par la foule ». En français, on l'appelle « financement participatif ». En théorie - et en pratique aussi le plus souvent - une belle idée solidaire. Si tout le monde donne un peu, ça fera beaucoup. Les petits ruisseaux font les grandes rivières et pierre qui roule n'amasse pas mousse. Mazel tov !
Mais alors, nous direz-vous, c'est quoi notre problème ? Et bien, disons pour résumer que trop de crowdfunding tue le crowdfunding. Le recours incessant et systématique à ce mode de financement pour tout et n'importe quoi finit par lasser. On se souvient tous des énervantes petites vacances en camion et en Haute-Provence qu'Agnès Varda et JR, artistes précaires par excellence, nous demandaient gentiment de financer. Bon, après tout pourquoi pas, c'est vrai que ça va plus vite que de bosser un mois au McDo. Et puis si les gens préfèrent payer des vacances aux autres plutôt que les leurs, ça les regarde.
La photographie n'échappe donc pas à l'envahissant crowdfunding. C'est mathématique évidemment. Comme tout secteur en crise qui se respecte, elle doit trouver des alternatives financières. Et là encore pourquoi pas. Que RSF fasse http://fr.actuphoto.com/33830-reporters-sans-frontieres-se-met-au-financement-participatif.html" n'a rien de choquant en soi. Que des photographes comme http://fr.actuphoto.com/33830-reporters-sans-frontieres-se-met-au-financement-participatif.html" s'y prête aussi pour être publié chez André Frère non plus. Mais cela pose question sur le milieu de l'édition photographique, sur l'indépendance éditoriale et une survie désormais conditionnée par le crowdfunding, donc par un sujet obligatoirement « populaire ». Sans compter le fait que les photographes se retrouvent une fois de plus dans l'obligation d'aller « quémander » et de « se vendre » sur un marché toujours plus exigeant. Enfin côté exigence artistique en tout cas, on n'est pas tous égaux : l'appel aux dons pour un recueil photographique sur la tournée d’Etienne Daho ou pour le premier livre sur la filmographie intégrale de Brigitte Lahaie nous laisse un peu perplexes...
Ras-le-bol aussi des sollicitations constantes qui donnent l'impression d'être un monstre d'insensibilité si l'on ne se joint pas à cette « foule » solidaire. L'histoire récente du crowdfunding lancé pour financer l'opération aux États-Unis d'une petite fille née avec le cœur en dehors de la poitrine est édifiante. On n'a évidemment rien contre cette petite fille et c'est vrai que cela ne doit pas être des plus pratique d'avoir le cœur qui dépasse. Mais le recours au financement participatif, appuyé de photos forcément spectaculaires d'une enfant malade, nous gêne profondément. Surtout quand on connaît le scandaleux système de santé américain qui repose sur le principe simplissime du « si tu veux être soigné, t'as qu'à payer ». A quand le financement de la sécu sur KissKissBankBank ?
Bon allez, comme on est de très mauvaise fois, et pas à une ou deux incohérences près, on va juste conclure sur le conseil du jour : filez donc voir le travail du très talentueux Giovanni Cocco (http://fr.actuphoto.com/33830-reporters-sans-frontieres-se-met-au-financement-participatif.html"). C'est pas Brigitte Lahaie, mais c'est pas mal non plus !