Ma Samaritaine 2015
photographie accompagne durablement la transformation d’un bâtiment mythique au cœur de Paris. Après avoir commandé un état des lieux explorant les onze niveaux du bâtiment avant transformation, alors que la reconstitution des archives visuelles se poursuit, nous continuons à solliciter les photographes pour que leur regard nous révèle des interprétations inusitées des lieux, pour qu’ils éclairent de leur regard ce qui est avant qu’ils ne chroniquent ce qui va advenir. Après avoir demandé à cinq jeunes français et cinq jeunes étrangers de nous donner leur vision du lieu, ce sont dix étudiants et anciens élèves de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts qui, l’an passé, avaient décliné les grandes directions de la photographie contemporaine. Alors que les travaux battent leur plein nous avons, cette année, fait appel à des regards plus affirmés, à des auteurs plus connus, de nous livrer leur expérience d’un lieu qu’ils ont investi avec enthousiasme. La diversité de leurs propositions, dans lesquelles le style de chacun est
reconnaissable, réserve cependant des surprises.
© Michael Ackerman pour les Grands Magasins de la Samaritaine • juin 2015
Pierre-Olivier Deschamps a, pour un état des lieux explorant l’ensemble des onze niveaux, documenté le lieu professionnellement. Mais, au-delà de cette constitution d’une mémoire stricte, il a questionné la fonction de la couleur et de la composition dans l’approche de l’espace et de l’architecture.
Sarah Moon a su retrouver, en se coulant avec fluidité dans l’immensité du lieu retrouver les miracles de lumière et de matière dont elle est familière. Elle met à profit poussières et coups de vent, frottis et vitres pour moduler les gris et donner profondeur aux noirs et ouvrir sur la ville dont elle donne une vision poétique. Georges Rousse, lui, a comme a son habitude, joué en magicien sur la perspective en intervenant in situ pour transformer radicalement la perception de l’espace. Sa grande pièce colorée est accompagnée des études préparatoires comme autant de possibles perturbations de notre lecture de l’espace. Le suédois JH Engström a installé une tension entre les visions amples et les détails, entre le noir et blanc et la couleur, entre l’image unique et les compositions en panneau pour questionner autant sa pratique de la photographie qu’un lieu qu’il découvrait.
© Yves Marchand & Romain Meffre pour les Grands Magasins de la Samaritaine • juin 2015
Quant à Michael Ackerman, il a plongé avec fascination dans un monde dans lequel il a naturellement retrouvé des échos à son propre univers, flottant, parfois au bord de l’effacement, structuré par la lumière qui à la fois aveugle et révèle. Pour la première fois il insiste sur la couleur, avec une tonalité bien à lui, vibrante. Yves Marchand & Romain Meffre, eux, se confrontent à l’architecture, questionnent la frontalité, prennent le bâtiment à bras le corps comme ils ont l’habitude de le faire. Mais à l’amplitude de leur vision ils associent des détails, se rapprochent, traquent également des signes fortement structurés par la couleur. Tous, comme dans les éditions précédentes, ont des regards différents. Plus affirmés, plus fermes, plus déterminés, plus tranchés. Aujourd’hui, ces images sont déjà des documents. La transformation est en marche, qui les rend pour la plupart impossibles à refaire.
Mais il n’y a aucune nostalgie dans tout cela. Parce que l’avancée du chantier signifie simplement des surprises à venir, que les photographes nous feront partager.
Christian Caujolle
Commissaire de l’exposition « Ma Samaritaine 2015 »