Der Migrant ©Norbert Baksa
Le photographe Norbert Baksa a sûrement cru avoir l'idée du siècle. Un shooting photo topless façon « migrant » devant des barbelés. Le concept est tellement surréaliste, qu'on a d'abord sincèrement cru à une mauvaise blague en regardant sa série http://norbertbaksa.prosite.com/396151/7719138/fashion/der-migrant". Et puis non. Tout était vrai et assumé par son auteur qui souligne sur son site la complexité d'une situation et la réception d'informations contradictoires : « C'est exactement ce que nous voulions illustrer : on voit une femme qui souffre, qui est également belle et qui, malgré la situation, porte des vêtements de qualité et possède un smartphone. »
Der Migrant ©Norbert Baksa
Ah OK Norbert, ton shooting de mauvais goût n'était en fait qu'un brûlot politique engagé, on n'avait pas compris. Et un Nobel de la paix pour Norbert, un ! Et même si l'on n'a pas vu des masses de migrants débarquer en Chanel et topless sur les plages grecques, comment mettre en doute la bonne foi de ce photographe de mode hongrois ? « Photographe de mode hongrois », à y regarder de plus près, ça fait tout de même un peu beaucoup pour un seul homme.
Loin de nous l'idée de taper gratuitement sur la Hongrie, qui fait montre ces derniers temps d'une générosité sans nom et d'un altruisme incomparable. Et un Nobel de la paix pour Viktor, un !
Loin de nous aussi l'idée de malmener gratuitement le monde de la photographie de mode... ah non, en fait on va le faire, parce que cela fait longtemps qu'on y pense et qu'elle le mérite un peu parfois, cette grande snob manipulatrice ! C'est elle qui nous a habitués à ces portraits de femmes sous-alimentées, aréoles au vent, plus ou moins couvertes de vêtements ou d'accessoires luxueux dont le prix avoisine celui d'un rein ou d'un tonneau de cocaïne. C'est encore elle qui s'est revendiquée « artiste », oubliant un peu vite sa fonction strictement commerciale. C'est elle toujours qui s'est fait véhicule d'iconographies douteuses. Le porno chic à la Tom Ford, aussi chic qu'un pubis taillé en forme de G pour Gucci. La série spéciale Noël du Vogue Enfant (2010) et ses « mini miss » sous le sapin et l'objectif de Sharif Hamza. So cute.
Vogue ©Sharif Hamza
Alors oui, on va nous dire que les meilleurs sont passés par la mode. D'Oliviero Toscani à Jean-Loup Sieff en passant par Lindbergh, Newton ou le dieu Avedon. Oui. Mais ceux-là ont su se démarquer parce que déjà talentueux. Ça aide. Peut-être même lucides sur cette fashion planète qui avait alors le mérite d'offrir les moyens d'une véritable liberté créatrice ? Peut-être. En tout cas, on aurait peine à les imaginer à la tête d'un shooting à la Norbert Baska. D'ailleurs, on a quelques idées de shooting pour notre ami hongrois. Pourquoi ne pas privatiser Auschwitz,et créer une ambiance glam chic au milieu des latrines ? Et pourquoi pas une collection de prêt-à-porter de combinaisons orange, photographiée dans le désert syrien ? Daesh fournit les accessoires. Et si d'ici là, Nadine Morano a fini de jouer avec son nuancier, on est sûr qu'elle sera partante pour une petite séance photo dans ce si beau pays qu'est la Syrie.