Richard Avedon, "Allen Ginsberg. Poet, NYC," dec. 30 1963.
Notre petite annonce du jour a de quoi surprendre. Elle ne devrait pas puisqu'elle est en – presque – parfaite adéquation avec la dure réalité. C'est en tout cas ce qu'une enquête, menée auprès d'un large échantillon de 3 000 photographes, révèle. Publiée dans la revue Culture études en mars dernier, elle se propose d'analyser sous toutes les coutures http://culturecommunication.gouv.fr/Politiques-ministerielles/Etudes-et-statistiques/Publications/Collections-de-synthese/Culture-etudes-2007-2015/Le-metier-de-photographe-CE-2015-3".
Alors, on ne va pas vous faire une fiche de lecture exhaustive. D'une part, ça n'aurait aucun intérêt, les chiffres, c'est comme l'Eurovision, moche et ennuyeux. D'autre part, le rapport initial fait 140 pages, et loin de nous l'idée de vous mâcher tout le travail, notre dévouement à des limites. En revanche, notre mauvais esprit n'en a aucune ! Surtout s'il s'agit de mettre le doigt là où ça fait mal. Sur la précarité du métier de photographe par exemple.
Savez-vous que 43 % des photographes enquêtés ont perçu moins de 15 000 euros nets d’activité en 2013 ? Là, même si vous êtes nuls en calcul, vous divisez par 12 et vous réaliserez que, peut-être, aurait-il mieux valu faire une école de commerce ou un CAP plomberie plutôt que d'être allé bêtement étudier la photo pour gagner 1250 euros par mois. Net.
Alors oui, il y en a pour qui ça marche, mais ils sont seulement 24% à gagner plus de 30 000 euros. Et le pire dans tout ça, c'est que la moitié des photographes déclarent que leurs revenus ont « plutôt » ou « beaucoup » diminué.
Il faut donc trouver d'autres activités plus ou moins lucratives à exercer en parallèle de son métier de photographe. Enfin surtout si vous êtes une femme ou si vous êtes jeune. (Si vous êtes une jeune femme, passez votre chemin, lancez-vous plutôt dans le trafic de stupéfiants ou d'organes, c'est illégal mais au moins c'est lucratif.) Vous seriez né homme et d'assez bonne constitution pour passer la quarantaine, vous auriez pu prétendre à un revenu de base de plus de 2 500 euros par mois. Net.
Parmi ces activités diverses et variées, il y a celles directement en lien avec la photographie et d'autres en dehors du strict champ photographique. On y trouve la vidéo, le cinéma, l’audiovisuel, le graphisme, le design, etc. Plus insolites et minoritaires, il y a aussi des moniteurs de ski, des guides et autres animateurs sportifs. Une autre parade à la précarité est cette bonne vieille solidarité : 50% des photographes qui déclarent travailler au sein d’un collectif ont des revenus nets d’activité inférieurs à 15 000 euros. A plusieurs, on est plus fort que tout seul !
Alors évidemment, avec tout ça, le moral n'est pas au top. Entre salaire (presque) de misère et perte de repères identitaires (Qui suis-je ? Où vais-je ? Suis-je bel et bien un photographe professionnel ?), nos photographes sont un peu perdus ! 53% d'entre eux se déclarent majoritairement pessimistes sur l’avenir du métier (quelle surprise !) sans pour autant vouloir lâcher l'affaire (même si 6% l'envisagent). Et l'étude de poursuivre : « Les photographes ont le sentiment de traverser une crise (flux permanent d’images gratuites sur le net, concurrence des amateurs, développement des banques d’images et des micro-stocks, baisse tendancielle des revenus, non-respect du droit d’auteur...) ou, plus précisément, de vivre une mutation radicale de leur métier ». Adapte toi ou reste chez toi. Flexibilité ou inactivité. Marche ou crève quoi.
Enfin, ne soyons pas bêtement réac' et rétifs à toute évolution. Ce n'est d'ailleurs pas le cas de la profession qui multiplie les efforts pour s'adapter au changement en ne cessant de diversifier son activité professionnelle, tant au niveau des types d’images produites (fixes et animées) ou des techniques utilisées, que des nouveaux segments de marché ou des types de clientèles variées, etc. Prêts à s’adapter : oui. Dans des conditions irrespectueuses et sans protection aucune : non.
Clair. Et net.
Emilie Lemoine