Kodak Pixpro SL10
Attention préparez-vous au choc : 60% des Français préfèrent utiliser un appareil photo plutôt qu'un smartphone pour prendre des clichés.
(...)
Mince, vous avez l'air déçus. A peine étonnés. Un poil ébaubis quand même ? Vous allez nous dire que pour téléphoner ces mêmes Français préféreront utiliser un smartphone plutôt qu'un appareil photo ? Oui, pas bête. Mais bon, un appareil photo ne sait pas téléphoner, alors qu'un smartphone sait photographier. Vous me suivez ?
Alors, passons d'abord sur le fait que cette enquête a été faite pour Fujifilm, et que, mauvaise et fourbe langue que nous sommes, c'est un peu comme si Total faisait un sondage et qu'on apprenait bizarrement que 90% des Français aiment se faire des masques au diesel.
Cette étude, réalisée par l’institut Opinionway sur un échantillon représentatif de la population française de 1050 personnes âgées de 18 ans et plus, nous apprend quelques petites choses intéressantes sur notre rapport à la photographie...
Il y a d'abord l’inénarrable fossé générationnel entre le « jeune », cette étrange créature de moins de 25 ans à la peau lisse et au poil soyeux, et le « senior », cet individu bizarre de plus de 65 ans à l'épiderme solide et à la crinière éparse. Le premier préférera utiliser son téléphone pour prendre des photos (de ses congénères, de lui, de lui ou de lui). Le second prendra son appareil photo pour canarder ce qu'il a sous les yeux (des paysages, ses petits-enfants, ses petits-enfants ou les petits-enfants de ses voisins).
Le truc vraiment drôle dans tout ça, c'est de réaliser que toutes ces photos prises, en fait globalement tout le monde s'en fout : 90% des Français déclarent stocker leurs photos, mais 47% avouent ne les regarder que rarement. Alors quand même, ça ne regarde peut-être pas ses propres photos, mais, avec les réseaux sociaux, ça les partage à fond : près de 1/3 des personnes sondées partagent leurs photos en ligne (dont 36% de 18-24 ans). Doit-on forcément s'en réjouir ? Est-on réellement obligé de se voir infliger la vie des autres ? Leurs selfies flous, leurs doigts de pieds en ligne d'horizon, leurs photos d'art ratées ? Comme si l’existence tout entière était devenue l'une de ces vieilles soirées diapo où il fallait s'enfiler tout le voyage en Creuse de Jean-Yves et Monique, entre deux apéricubes...
Mais selon le même sondage, le vrai problème est ailleurs. C'est le fameux drame national du « livre photo » : 85% des Français n’en réalisent toujours pas. Et là, passée la stupeur, vous me dites, mais qu'est-ce donc qu'un « livre photo » ? Alors c'est très simple, un livre de photo est un « album photo », mais il semblerait que le mot « album » soit devenu has been, voire tabou chez les publicitaires. Il est souvent moche et se caractérise par une couverture qui mélange gravures de fleurs en relief ou photo générique d'une fausse famille aryenne qui a l'air très heureuse au milieu d'un champ d'herbes vertes. Les causes du désintérêt hexagonal pour le « livre photo » sont hélas multiples poursuit le sondage : manque d’intérêt 35% (sûrement plus intéressant que la philatélie mais sans doute moins passionnant qu'une partie de boules au soleil), activité chronophage 29% ( tout est dans « chronophage », il semble que pour constituer votre « livre photo », il faille penser à vous mettre en disponibilité ou à passer au mi-temps). Les chiffres sont catégoriques : 32% des réfractaires aux livres photo le sont à cause du temps passé à trier les clichés et à les mettre en page. Un vrai boulot, on vous dit.
Cartier-Bresson disait « Photographier, c’est une attitude, une façon d’être, une manière de vivre. » Et pourquoi pas même un livre photo, Henri ?
Emilie Lemoine
*Etude réalisée entre le 27 et le 28 mai 2015 par l’institut Opinionway sur un échantillon représentatif de la population française de 1050 personnes âgées de 18 ans et plus. L’échantillon a été réalisé selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, de catégorie d’agglomération et de région de résidence.