Esquire Magazine
Robin Williams n'avait vraisemblablement pas non plus l'envie de revenir de chez les morts. L'acteur décédé a pris tout le monde de court en encadrant son droit à l'image post mortem. Selon ses dernières volontés, Williams a en effet stipulé que son image ne pourrait être utilisée dans des films ou dans des publicités... avant 2039 ! Dans le même temps, il a cédé son nom, ses photographies et sa signature à la Windfall fondation, une association caritative qu'il a lui-même fondée. Ses films et publicités déjà tournés pourront évidemment continuer à être diffusés.
C'est que l'utilisation de l'image de stars décédée a pris de l'ampleur ces dernières années, confirmant s'il en était besoin l'avidité féroce du monde médiatico-publicitaire dès lors qu'il s'agit de faire du profit autour d'un succès constitué. Pendant ou après la mort. Peu importe. Les diamants sont éternels ? Qu'à cela ne tienne les stars aussi ! À quand le placement de produit pendant des funérailles ?
On a donc eu d'abord les ravages des spectacles avec hologrammes de chanteurs morts. Tupac, Michael Jackson, Elvis : soudainement revenus du royaume des ténèbres pour rechanter une dernière chanson sous des lumières artificielles. On vous épargnera le duo Obispo/John Lennon (diffusé sur France 2 dans l'émission, heureusement éphémère, "Simplement pour un soir") qui reviendrait photographiquement à faire une exposition commune de vos photos de vacances et des clichés d'Henri Cartier-Bresson.
Boîte de pub recherche VIP décédés pour vidéo à succès. Personnalités vivantes s'abstenir.
La publicité s'est donc évidemment emparée de cette idée lumineuse : utiliser l'image de stars mortes et enterrées pour vendre de la lessive. Ou du parfum. On a alors eu droit à une version digitale (et pour le moins monstrueuse) de Marilyn Monroe représentante en parfums chez Dior, tandis que la gracile Audrey Hepburn distribuait de son côté ses chocolats. Steve McQueen ressuscitait pour ses Persol, alors qu'un jeune et sémillant Alain Delon rejoignait Marylin, rayon parfumerie. Oui, on le sait, Alain Delon n'est pas mort, mais son image de play-boy sombre et magnifique l'est un peu plus. Et c'est en cela précisément que l'on voit le pouvoir incommensurable de l'image, celle que l'on retient, celle qui reste en tête comme un slogan publicitaire entêtant et donc efficace. « Juvabien, Juvamine. Vous allez bien. Vous avez bonne mine. » Jusqu'à l'overdose.
Alors pourtant, force est d'avouer que le geste de Robin Williams n'est pas une révolte sociale ou esthétique contre le grand capital et cette société de consommation (d'images) : elle serait plutôt une manœuvre stratégique pour contrer l'Etat et ses impôts. Comme le souligne http://www.hollywoodreporter.com/thr-esq/robin-williams-restricted-exploitation-his-785292", la dispute qui oppose les héritiers de Michael Jackson et l'IRS (Internal Revenue Service) n'y est certainement pas pour rien dans l'histoire. L'État juge en effet que les revenus en droits publicitaires sont imposables et réclame près de 700 millions de dollars (pénalités comprises). Léguer ses droits à une organisation caritative limiterait le montant d'imposition de la famille sur la valeur grandissante des stars post mortem.
La mort n'a pas d'odeur ?
Émilie Lemoine