Charleroi, Belgium Philippe lives in one of the most dangerous neighborhoods in the town ©Giovanni Troilo
En cause ? La « distorsion de la réalité qui porte atteinte à la ville de Charleroi et de ses habitants, tout autant qu’à la profession de photojournaliste dans ce cas ». Le bourgmestre met en cause l'utilisation de techniques de mise en scène et pointe du doigt un travestissement de la réalité. Il y a, selon lui, une malhonnêteté inhérente à des photographies qui ne respectent pas l'éthique journalistique. En ce sens, le travail de Giovanni Troilo n'a pas sa place dans une compétition qui promeut photojournalisme et photographie documentaire de qualité.
La question de la valeur journalistique d'un travail photographique est un point intéressant, tout autant que la ligne qui le sépare d'une entreprise strictement artistique (et qui ne prétendrait donc pas retranscrire une quelconque réalité). Nous ne sommes pourtant pas entièrement convaincus par l'argumentaire du maire qui se raccroche, comme à une bouée de naufrage, à une citation du site web personnel de Troilo : « Une sexualité perverse et malade, une haine raciale, une obésité névrotique et l'abus de psychotropes semble être les seuls remèdes capables de rendre ce malaise endémique acceptable ».
Or ce commentaire sur la ville de Charleroi n'apparait pas dans le travail soumis au World Press Photo, le photographe lui ayant visiblement préféré une contextualisation plus sociale en insistant sur la désindustrialisation, le chômage, l'augmentation de l'immigration ou l'apparition d'une micro criminalité. La lecture de Paul Magnette est dès lors biaisée par une interprétation abusive des photographies qu'il va chercher à contrer d'une manière ou d'une autre : l'homme obèse serait une figure locale de la ville ou la femme en cage serait une prostituée bien connue. Certes. Mais à aucun moment Troilo n' a affirmé le contraire ! Par ailleurs, le prisme « sexe, racisme, obésité et drogue » n'est mentionné que sur le site du photographe. Aucun rapport ou presque avec le prix finalement. Alors pourquoi demander à le lui retirer en utilisant abusivement cette citation ?
Charleroi, Belgium Maitre Doberman and Klara la Chienne, his wife,
receive guests in a building that at glance appears abandoned
©Giovanni Troilo
Charleroi, Belgium The newest and tallest building in Charleroi is the 75-meter-high police station
©Giovanni Troilo
Alors bien sûr, force est d'avouer, que la tendance au voyeurisme social existe dans la photographie contemporaine et peut particulièrement gêner dans la complaisance qu'elle a parfois à montrer une misère esthétisée : des pauvres moches, sales et certainement méchants, sous une lumière bien lugubre, c'est tellement sympa à regarder sous les néons d'une galerie d'art !
Allez pour changer un peu, à quand "Levallois-Perret, coeur corrompu de l'Europe" ?
Emilie Lemoine