Oswiecim, Pologne 2009 © Loïc Vizzini
Porter au monde la sinistre nouvelle pour que personne n'oublie, pour que l'histoire ne se répète pas. Plus jamais ça. Alors les mots sont devenus porteurs de mémoire, avec pour terribles compagnes, des images et des vidéos de « là-bas ». L'écriture ou la vie, aurait dit Jorge Semprun.
Les photos ou la vie. Ce n'est pas tant le nombre de clichés des camps qui marquent, c'est l'horreur qu'ils dévoilent. Celle qu'ils montrent et celle trahie par le statut de leur photographe : bourreau, prisonnier ou libérateur.
Les bourreaux d'abord, premier témoins d'une solution finale à laquelle chacun participe activement. Dans l'album personnel des SS, on trouve souvent trois sortes de photographies : familiales, pornographiques et « professionnelles » . Ces dernières ont fini paradoxalement par constituer des fonds historiques qui permettent de montrer la Shoah dans les fondations, musées et autres livres d'histoire.
Très peu de prisonniers ont pu extirper des clichés des camps d'extermination. Ils s'agissait de prisonniers mis au service de la machine nazie, comme http://www.franceinter.fr/blog-autopsie-dune-photo-quatre-bouts-de-pellicule-arraches-de-l-enfer#_ftn1". Juifs et préposés au crématoire d'Auschwitz-Birkenau, ils sont parvenus à prendre quelques photos. http://www.franceinter.fr/blog-autopsie-dune-photo-quatre-bouts-de-pellicule-arraches-de-l-enfer#_ftn1"(créées à l'occasion des 70 ans de la libération des camps) mettent en avant ces clichés mal cadrés, pris dans le secret et la précipitation, ceux de femmes rentrant dans les fours notamment. Il y a aussi http://www.franceinter.fr/blog-autopsie-dune-photo-quatre-bouts-de-pellicule-arraches-de-l-enfer#_ftn1", dont la tâche consistait à faire le portrait de ceux qui allaient mourir. Il est parvenu à sauver une partie de ces clichés (40 000) et a contribué à l'élaboration du Musée d'Auschwitz qui fut créé en 1947.
Enfin, il y a eu les photographies des « libérateurs » ou de tous ceux qui sont arrivés « après » : soldats anglais, américains ou soviétiques. Ces derniers notamment, arrivés les premiers par l'est, ont filmé ces antres de la mort : l'exposition « Filmer la guerre : les Soviétiques face à la Shoah (1941-1946) » est à voir au Mémorial de la Shoah à Paris. On pense aussi au travail presque insoutenable d'http://www.franceinter.fr/blog-autopsie-dune-photo-quatre-bouts-de-pellicule-arraches-de-l-enfer#_ftn1", compagnon de route de Meyer Levin. Pour l'AFP, le photographe prendra ce jeune déporté russe dont le visage deviendra tristement célèbre et emblématique de l'horreur des camp. Atteint de dysenterie, marqué par la fatigue, la faim et la maladie, il n'avait alors que 18 ans.
Portrait par Eric Schwab (fin avril début mai 1945) - AFP, n°118532
Plus récemment, de nombreux photographes professionnels ou non se sont intéressés aux camps d’extermination. Pour le meilleur et pour le pire.
Le meilleur ? Pour les 70 ans de la libération du camp, l'agence Reuters a mis à l'honneur http://www.franceinter.fr/blog-autopsie-dune-photo-quatre-bouts-de-pellicule-arraches-de-l-enfer#_ftn1".
Le pire ? http://www.franceinter.fr/blog-autopsie-dune-photo-quatre-bouts-de-pellicule-arraches-de-l-enfer#_ftn1", entre fascination morbide et prétexte mémoriel, qu'Ambroise Tézenas a su saisir dans son ouvrage éponyme.
« Il y a dans ce monde ancien et nouveau tant de gens Que leurs propres enfants ne pourront pas comprendre » se récitait Semprun, en retournant à Buchenwald en 1992.
Emilie Lemoine